Lors de la rédaction de ma thèse de doctorat sur les données socio-familiales de l'adoption internationale en France (sous la direction de Maitre Jean Vital de Monleon) il y a quatre ans, je m'étais intéressé (entre autres...) à cette question de la malédiction pesant sur les jumeaux de Mananjary, qui représentaient plus du cinquième des enfants adoptés originaires de Madagascar... A l'époque, je n'avais pas trouvé grand chose, si ce n'est dans un forum internet, où il était évoqué une tradition ancestrale expliquant ce tabou d'élever des jumeaux : dans des temps très anciens, lors de la guerre entre deux clans, l'une des tribus aurait pris la fuite et se serait cachée. Mais des jumeaux auraient pleuré et auraient permis au clan adverse de trouver la cache de la tribu et de la vaincre. Depuis, par tradition, les jumeaux sont honnis. Les jumeaux de Mananjary auraient donc rempli le rôle inverse des Oies du Capitole...
Mais lors de nouvelles recherches sur cette question des jumeaux maudits de Mananjary, j'ai trouvé d'autres explications tout aussi intéressantes et différentes de la précédente...
Vingt accouchements sur 1000 sont gémellaires en Afrique contre 12 en Europe.
Quarante-et-un pour cent des 2.8 millions jumeaux estimés annuellement dans le monde proviennent du continent africain.
Aucune société n'est indifférente aux jumeaux. Certains considèrent leur naissance comme un signe heureux et les fêtent. D'autres, comme un signe de malheur et les redoutent.
Deux ethnies malgaches, vivant sur la cote sud-est de l’ile rouge dans la région de Mananjary, rejettent les jumeaux : l’ethnie Amtambahoaka sacrifie les jumeaux tandis que la seconde, Antémoro de Namorona, exige l’abandon d’un enfant sur les deux.
La tradition d’abandon des bébés jumeaux - dans la brousse ou sur les plages – est motivé par le fait que ces nouveau-nés porteraient malheur aux foyers qui les accueillent et aurait pour origine la peur du dédoublement de l’esprit ; d’autres affirment que seuls les animaux peuvent donner naissance à une portée de plusieurs descendants.
Connus pour le"fady kambana" ou "tabou des jumeaux", les membres jumeaux de l'ethnie Antambahoakas sont tenus à l'écart par les autres castes. La malédiction touche uniquement les jumeaux nés à l'intérieur-même de l'ethnie.
Les origines de la malédiction se perdent dans la nuit des temps.
A son arrivée à l'embouchure du fleuve Sakaleona, au nord de Mananjary, le premier Antambahoaka aurait choisi son épouse parmi les femmes de la région. Enceinte de jumeaux, elle décéda en couches. Le malheur frappa sa deuxième puis sa troisième épouse. Le chef du clan jura alors que sa descendance n'élèverait jamais de jumeaux.
Au XIXe siècle, un astrologue persuada Ranavalona Ire (1828-1861), l'autoritaire reine, que les enfants nés sous le signe des gémeaux, signe puissant mais violent, étaient voués à une destinée exceptionnelle. Craignant sa déchéance, la souveraine imposa aux parents de les tuer ou de les déposer à la porte d'une étable. S'ils échappaient au piétinement des zébus, les nouveaux-nés pouvaient vivre. Enfin, une légende, plus proche des soucis alimentaires quotidiens, raconte la difficulté d'un chef de clan à nourrir ses jumeaux lors d'une disette.
Contre cette pratique ancestrale ancrée dans la culture ethnique de Mananjary, Madagascar semble prendre un tournant législatif en faveur de la protection de ces jumeaux depuis 2007 (Cf article au lien suivant : http://apinoul.wordpress.com/2007/12/10/jumeaux-de-mananjary/ ).
abandonner 1 seul des 2 bébés me semble un comportement économiquement cohérent.
RépondreSupprimerDans des contrées ou la survie d'un nourrisson est loin d'être assurée, celle de 2 devient peu probable.
En sacrifier un pour donner plus de chance à l'autre