dimanche 26 mars 2017

Vietnam - Des Vietnamiens Amérasiens qui n’ont jamais été adoptés...

Vietnam - Des Vietnamiens Amérasiens qui n’ont jamais été adoptés...

Une centaine de milliers d'enfants vietnamiens amérasiens sont nés de soldats américains et de mères vietnamiennes pendant la guerre du Vietnam
Plusieurs milliers ont pu quitter le Vietnam avant la fin de la guerre en groupes comme lors de l'Operation Babylift, mais des dizaines de milliers sont restés et ont grandi dans un pays dévasté par la guerre. Ils ont souvent dû faire face à la famine et la discrimination des Vietnamiens qui les considéraient comme l'ennemi. 
Beaucoup d'entre eux ont été abandonnés dans des orphelinats ou dans les rues, et un nombre disproportionné d’entre eux ont grandi analphabètes, souffrant de problèmes physiques et émotionnels. Beaucoup d'entre eux étaient des enfants de prostituées bien que certains soient issus de vraies histoires d’amour. Beaucoup ont essayé sans succès de retrouver la trace de  leurs pères.




Pour faire face à cette situation, le Congrès américain a adopté en 1987 the Amerasian Homecoming Act permettant aux Vietnamiens Amérasiens de venir aux États-Unis avec leurs familles. 
Il en résultait que les Vietnamiens Amérasiens - traités avec mépris toute leur vie - devinrent particulièrement précieux pour les Vietnamiens qui cherchaient à quitter le Vietnam, dont beaucoup tentaient alors de le faire par bateau ou autres moyens. 
En achetant des Amérasiens provenant d’orphelinats ou de leurs vraies familles, ou en les courtisant et en payant les coûts d'émigration des plus âgés (ce que beaucoup ne pouvaient pas se permettre), des milliers de Vietnamiens trouvèrent un billet pour les États-Unis. Beaucoup d'Amérasiens (probablement la majorité) ont migré avec de « faux » parents ou proches qui les ont souvent abandonnés une fois aux États-Unis.

En raison de la prévalence très répandue de la fraude, les États-Unis ont fermé le programme de réinstallation après que vingt-huit mille Vietnamiens ont immigré. Le programme était sérieusement sous-financé et les problèmes gravement sous-estimés
Seulement 2 pour cent environ ont trouvé leurs pères américains, et toutes les retrouvailles n’étaient pas heureuses. 
Certains Amérasiens ont réussi dans leur nouvel établissement américain, mais beaucoup ne l'ont pas fait. Un exemple de difficultés est celui de Dat Nguyen, qui vit maintenant en Californie. Il a été échangé à dix-neuf au Vietnam à une fausse famille pour un pedicab (= tricycle) d’occasion. Une fois arrivés aux États-Unis, sa fausse famille l'a abandonné. Il était analphabète, capable de parler seulement un peu anglais, et souffrant des effets de la poliomyélite.
Comme Thanh Son Thi Nguyen l’a écrit dans une dissertation de 1994 à l'université de Pittsburgh sur les immigrants amérasiens : « Leurs merveilleux rêves sont tous partis, et les Amérasiens ne pourront jamais dire du fond du cœur: ‘Je suis Américain’ ». 

Miss Saigon Olivier Awards 2015 - "I'd Give My Life For You »


[Source : BULLOUGH Vern L. The Vietnamese Who Did Not Get Adopted. in The Praeger Handbook of Adoption. Volume 2. Praeger : Westport (CT), 2006. p.667.]


VOIR AUSSI :
>>>  Vietnam - les Bui Doi, poussières de la vie... Sur fond de Miss Butterfly de Saigon et de Straight to Hell des Clash...


mercredi 28 décembre 2016

Opération Pedro Pan (1960-1962) - Un exode inédit de plus de 14 000 enfants cubains vers les Etats-Unis sur fond de Guerre Froide...

Operation Pedro Pan (1960-1962)- Un exode inédit de plus de 14 000 enfants cubains vers les Etats-Unis sur fond de Guerre Froide...

L’opération Peter Pan (Operación Peter Pan ou Operación Pedro Pan) est une opération coordonnée entre 1960 et 1962 par les États-Unis (notamment par le département d'État des États-Unis et la CIA), l'archidiocèse de Miami, et certains cubains qui consistait à amener à Miami des enfants cubains dont les parents étaient opposés au gouvernement castriste. Plus de 14 000 enfants ont été envoyés depuis Cuba. Avec l'aide de l'archidiocèse de Miami et le père Bryan O. Walsh, les enfants furent placés dans 35 États.



L'un des épisodes les plus étonnants dans le développement initial de l'adoption internationale a été un programme cubano-américain baptisé par la presse à Miami comme l'opération Pedro Pan ou Peter Pan par ses adversaires à La Havane. Comme presque tout divisait les Cubains de Miami et ceux de La Havane, la signification de celle-ci est férocement controversée. Le schéma de base de l'histoire, cependant, n'est pas en litige.

Entre 1960 et 1962, plus de quatorze mille enfants cubains ont été envoyés seuls, sans leurs parents, aux États-Unis dans le cadre d'un programme unique de visas. Après plusieurs faux départs, le programme «visa» a finalement consisté en une simple photocopie de la lettre du père Bryan Walsh, des Catholic Social Services de Miami



Bien que pratiquement tout ce qui concernait les programmes de visa cubains aux États-Unis pendant cette période était inhabituel - depuis l'amnistie générale en 1966 pour les Cubains aux États-Unis sans papiers aux subventions gouvernementales massives soutenant les migrants cubains (la Floride dans les années 1960 est passée comme ayant un des pires systèmes mal financés de protection sociale  dans le pays à l'un des meilleurs) - même par ces normes, le programme de visa pour enfants était extraordinaire. L'écrivain Joan Didion a capté toute la saveur de ce programme en notant sa proximité temporelle avec l'invasion soutenue par la CIA de Cuba :
"à une époque où. . . La Brigade 2506 s'entraînait au Guatemala pour l'invasion d'April [la Baie des Cochons], le Département d'Etat des Etats-Unis accordait à un prêtre de Miami, Monseigneur Bryan O. Walsh, l'autorisation d'accorder une exemption de visa à tout enfant cubain âgé de six à seize ans  personnes qui souhaitaient entrer aux États-Unis sous la tutelle des diocèses catholiques de Miami. »
Radio Swan, une émission de radio gérée par la CIA à partir du Honduras, et des membres du mouvement anti-Castro ont promu des rumeurs à Cuba que Fidel Castro allait emmener les enfants loin de leurs familles, pour les envoyer soit dans des camps russes, soit dans des foyers gouvernementaux loin de leurs parents.
'' Madre cubana! '' a commencé une émission le 26 octobre 1960, '' Écoutez ceci. La prochaine loi du gouvernement sera de prendre vos enfants de l'âge de 5 ans à l'âge de 18 ans. . . Mère cubaine, ne les laissez pas prendre votre enfant ! . . . Quand ils vous les rendront, ils seront des monstres matérialistes. Fidel sera converti en la Mère Suprême de Cuba. ''
Le lendemain, la radio de Radio Swan, Noticero para el Caribe, est devenue encore plus mélodramatique: «Mère cubaine, ils peuvent prendre vos vêtements, votre nourriture ou même vous tuer, mais le droit d'élever vos enfants ne peut vous être enlevé. Rappelez-vous qu'il n'y a pas de bête plus féroce qu'une mère défendant son petit. Offrez votre vie à une cause juste comme la nôtre avant que vous ne rendiez votre enfant aux bêtes. »
Les membres du mouvement anti-Castro ont imprimé des copies d'une circulaire censée être la nouvelle loi du gouvernement de Castro « nationalisant » les enfants. Les rumeurs allaient bon train, encouragées par la CIA.

Un groupe de cinquante mères de Bayamón aurait signé un pacte promettant de tuer leurs enfants plutôt que de les laisser tomber entre mains communistes. Les rumeurs ont été rapportées dans le magazine Time et même dans des revues savantes comme preuve de la peur du peuple cubain de Castro. Une femme se rappelait une journée à la plage où l'histoire se répandait d'une mère à l'autre, qu'il y avait une camionnette dans le quartier qui ramassait des enfants pour les emmener dans un bateau russe dans le port de La Havane et qu'ils ne retourneraient pas à Cuba sauf comme de la viande en conserve. En quelques semaines, dit-elle, toutes les mères de son voisinage avaient envoyé leurs enfants aux États-Unis

C'était l'ère du «lavage de cerveau», de la guerre psychologique, des expériences de la CIA avec l'hypnose et le LSD, la privation sensorielle et la psychose induite. La notion de «contrôle de l'esprit» colorait à la fois ce que les gens craignaient et ce qu'il était acceptable de faire. Comme l'a souligné la spécialiste María de los Angeles Torres, elle-même enfant de Pedro Pan, l'une des escarmouches mineure mais décisive de la guerre froide a été le sort du cardinal hongrois Mindszenty de Budapest en 1945. Il dénonça l'élimination des écoles catholiques et l'exigence de l'Etat que tous les enfants fréquentent des écoles ayant  officiellement nié l'existence de Dieu, en la comparant à l'Allemagne d'Hitler, qui a «éduqué sa jeunesse comme de petits païens». Ils sont rentrés de leurs camps de jeunes pour rire de leurs parents quand ils se sont agenouillés en prière. » Après des semaines de garde à vue par la police secrète de Hongrie, Mindszenty signala son propre aveu, se dénonçant pour corruption. Si cela pouvait arriver à quelqu'un d'aussi franc que Mindszenty, se demandèrent des membres de la communauté naissante de renseignement qui formerait la CIA, que pourrait-il arriver à leurs propres agents - ou, qu'est-ce qu'ils pourraient faire faire aux autres ? 

De Los Angeles Torres a elle-même joué un rôle décisif dans notre compréhension historique de l'opération Pedro Pan
Après des années de déni par la CIA de tout rôle officiel des États-Unis dans la promotion de l'exode des enfants de Cuba, des historiens américains et les enfants de Pedro Pan ont compris que la fuite de Cuba était une simple crainte du lavage de cerveau communiste des enfants vulnérables, avec des efforts "héroïques" de la part de l'Église catholique et de divers individus à Cuba et à Miami, et un "généreux" programme de visa par le Département d'Etat américain.
Deux livres de deux anciens enfants de Pedro Pan, Fleeing Castro de Victor Triay et Operation Pedro Pan d'Yvonne Conde, se souviennent de cet effort dans cette voie. De Los Angeles Torres, cependant, a déposé une Loi couronnée de succès sur l'accès à l'information, en poursuite contre la CIA, exigeant des documents relatifs à Pedro Pan. En raison de l'engagement de l'agence en matière de secret et de classement de tout, elle n'en a pas donné beaucoup, mais elle en a cédé assez. La CIA a été profondément impliquée dans le mouvement anti-Castro sur l'île qui a favorisé les rumeurs, l'agence l'a fait à travers Radio Swan au Honduras, et a été informée du succès de la tentative d'amener des milliers et des milliers d'enfants non accompagnés aux États Unis.

La décision prise par le Département d'Etat en 1962 d'arrêter les vols en provenance de Cuba a fait échouer environ la moitié des enfants aux États-Unis sans leurs parents ou proches parents, et ce que beaucoup avaient imaginé comme une brève séparation de quelques mois est devenue permanente. Et tandis que beaucoup de jeunes gens grandissaient dans des maisons d'accueil aimables et bienveillantes, d'autres étaient élevés dans des orphelinats, dans des camps de réfugiés, dans des foyers pour enfants à problèmes, dans des monastères catholiques. Un scandale à Helena, dans le Montana, impliquant un prêtre qui avait abusé sexuellement un certain nombre d'enfants a été rapidement étouffé. Les opinions diffèrent quant aux objectifs du programme. Wayne Smith, qui a travaillé à l'ambassade américaine à Cuba au cours de cette période, a déclaré à Los Angeles Torres qu'il croyait que le but du programme vacillant de visas et les rumeurs selon lesquelles Castro allait emmener des enfants, était de la propagande : " l'idée était d'effrayer les familles et. . . de renforcer les actions et attitudes anti-gouvernementales. Et c'est aussi une bonne propagande, tous ces enfants sortant, fuyant le communisme sans Dieu parce que le gouvernement cubain pourrait les enlever loin de leurs parents." Torres elle-même  pense que le programme avait des origines militaires, permettant aux membres du mouvement anti-Castro sur l'île, et ceux qui s'entraînaient au Guatemala pour l'invasion de la Baie des Cochons, à agir sans crainte de ce qui arriverait à leurs enfants.
Parce que la délivrance de ces visas était télégraphiée au gouvernement de Castro qui était dans le secret, cependant, elle a dû se développer pour englober des groupes toujours plus grands d'enfants pour couvrir leurs traces.


[Sources : 
- BRIGGS Laura. Somebody's Children.The Politics of Transracial and Transnational Adoption. Duke University Press. 2012.
- Wikipedia. ]





En savoir plus :
Cuba's 'Peter Pans' Remember Childhood Exodus (National Geographic)
http://news.nationalgeographic.com/2015/08/150814-cuba-operation-peter-pan-embassy-reopening-Castro/
Operation Pedro Pan history - 20 mins. with narration (Youtube)
https://www.youtube.com/watch?v=TXgdYTzbixQ
Cuba, le récit des des "enfants de Peter Pan", victimes d'un exil forcé (L'Obs/Rue89)
http://rue89.nouvelobs.com/blog/panamericana/2010/11/22/cuba-le-recit-des-enfants-peter-pan-victimes-dun-exil-force-177096


jeudi 11 février 2016

Pratiques d'adoption aux temps des Barbares (1) - Adoption Militaire et Fosterage. Généralités...

Certaines sociétés antiques attachaient une signification militaire à l'acte d'adoption : par exemple, chez les anciens peuples germaniques, des cérémonies militaires avaient lieu au moment de l'adoption, avec des armes placées dans les mains de la personne adoptée.[1]Chez les Gaulois, l'adoption par les armes consistait à armer de pied en cap un jeune homme dans une assemblée publique.[2] L'adopté jurait de défendre la famille adoptive. Le concept de primogéniture - une pratique selon laquelle le fils aîné hérite des biens de sa famille, et à son tour, son fils aîné héritera de lui - était central chez les peuples anglais, germains, et d'autres peuples européens.[1]
On trouve, sous les rois de France de la première "race" [NDLR : terme du XIXe S], deux autres sortes d'adoption :[2] l'une qui avait lieu aussi chez les Grecs du Bas-Empire, en recevant les cheveux de l'enfant qu'on adoptait; l'autre, en touchant la barbe de l'adopté ; ce qui était un même symbole.


ADOPTION MILITAIRE (antiquité, moyen âge) [3]


Chez quelques peuples de l’antiquité, quand deux combattants étaient entraînés l’un vers l’autre par une estime réciproque fondée sur des actions d’éclat, ils contractaient fraternité ; alors, les liens qui les unissaient ne pouvaient être brisés que par la mort, ou par l’infamie qui couvre le front de celui qui manque à l’honneur et aux devoirs que sa qualité d’homme guerrier l’appelle à remplir.

David d'Angers. La mort d'Epaminondas. 1811, Musée du Louvre.

L’histoire des nations de l’ancienne Germanie, de la Scandinavie et de la Scythie, rapporte des exemples extraordinaires de courage, de dévouement et d’abnégation produits par l’amitié et la fraternité engendrées au milieu des combats, et qui amenaient l’adoptionElle s’est chargée de transmettre à la postérité l’éloge de ces barbares qui, pour ne pas se séparer au moment de leur lutte avec les légionnaires romains, terribles par leurs armes, leur discipline et leur courage, s’étaient attachés pour vaincre ou mourir ensemble. Le même sol devait couvrir les braves tombés l’un près de l’autre, ou les porter fiers et menaçants, après la victoire.
En Grèce, le bataillon thébain (créé par Epaminondas et Gorgidas) était composé d’hommes liés par une amitié qui ne pouvait s’éteindre qu’à la mortD’après Polyen, Gorgidas organisa cette troupe d’élite qui était composée d’hommes liés par l’amour le plus tendre au nombre de trois cents. Une tendresse qu’ils avaient les uns pour les autres faisait qu’ils ne s abandonnaient jamais, qu’ils ne prenaient point la fuite et qu’ils étaient résolus de vaincre ou de mourir ensemble. Plutarque rapporte que Philippe, roi de Macédoine, parcourant le champ de bataille après sa victoire de Chéronée, resta pensif pendant quelque temps quand il aperçut ces amis étendus sur le terrain, morts après avoir combattu avec persévérance ; il fut obligé d’admirer ces guerriers qui avaient préféré la perte de la vie à la honte de reculer d’un pas. 
Dans le moyen âge, lorsque la bravoure appuyée sur les hauts faits mettait au même niveau deux chevaliers, ils contractaient alliance par les armes. S’aider, se secourir dans le danger, protéger mutuellement leur honneur était leur premier devoir. Mais quand la poudre eut changé l’art de la guerre, quand la prouesse eut reculé devant l’arme à feu, quand le chevalier eut vu son frère d’armes tomber frappé du coup mortel qu’il n’avait pu détourner, et parti peut-être de la main d’un lâche, alors l’adoption militaire disparut. Le premier coup de canon qui retentit sur les champs de bataille fut le signal précurseur de la chute de la chevalerie et de ses lois.

Origines germaniques  de la chevalerie [4]

Si chez les Grecs et les Romains monter à cheval pour faire la guerre était rare et réservé à une élite, il n’en était pas de même chez les peuples nomades d’origine germanique ou scandinave
Étant de nature nomade, le nourrisson fille ou garçon, « Wisigoth », « Ostrogoth », « Vandale », « Alaman », « Alain », « Burgonde », « Lombard » ou encore « Franc » et « Hun » pour ne citer qu’eux, se retrouvait sur le dos d’un cheval avant même de savoir marcher
Et comme la guerre était l’occupation principale de ces peuples qui se devaient, pour vivre, conquérir sans cesse de nouveaux territoires, le jeune enfant mâle cavalier se retrouvait tout aussi naturellement avec les armes à la main. Il en découle que combattre à cheval était donc la posture naturelle des guerriers de ces peuples de Germanie. 
Sevré à l’âge de trois ans, le jeune Germain était confié aux femmes de sa famille jusqu'à l’âge de sept ans. 
Passé cet âge, il était alors confié jusqu'à son quatorzième anniversaire, pour son éducation presque essentiellement guerrière, à un père adoptif. 
En général, ce père adoptif n’était autre que le frère aîné de sa mère, donc à son oncle maternel. Cette période se nomme « forsterfaeder » ou « fosterage ». Cette période initiatique guerrière dans son appellation porte dans son étymologie même les notions de rudesse et forçage éducatifs auxquels est soumis le futur guerrier germain.
Au terme de cette période le jeune germain allait faire ses preuves d’autonomie et de vaillance en voyageant parmi les nombreuses ethnies germaines. 
Lorsque le poil lui était poussé au menton, il revenait alors dans sa tribu pour y subir le rite de la première coupe de barbe ou de cheveux et pour y affronter en combat singulier son père adoptif pour que tous puissent voir ses qualités de guerrier. 
Chez certain de ces peuples, et en l’occurrence chez les « Francs saliens », il était de coutume chez leurs chefs, de célébrer en plus, par une cérémonie spécifique, la remise très solennelle des armes à un jeune homme en âge de combattre. 


Références :
[1] Adamec C. A brief history of adoption in Adamec C, Miller L.C. -  The Encyclopedia of Adoption Third Edition. New York, Facts on Files, 2007.
[2] JOHANNEAU E. Adoption (Antiquités). in ENCYCLOPEDIE MODERNE ou BIBLIOTHEQUE UNIVERSELLE DE TOUTES LES CONNAISSANCES HUMAINES. DUMENIL P., Paris, 1841.
[3] GLAIRE (Abbé). ENCYCLOPEDIE CATHOLIQUE, REPERTOIRE UNIVERSEL ET RAISONNE DES SCIENCES, DES LETTRES, DES ARTS ET DES METIERS,Tome premier. Paris, 1840.
[4] Wikipedia.

Conan The Symphony -Part 4 (Orphans of the Doom/ The Awakening)

jeudi 1 octobre 2015

Adoption en Roumanie (3) - Adoption en Roumanie (vision humanitaire française) (2) : La chute de Ceausescu : l'espoir déçu ; Le tournant de 1997 : décentralisation et politique de "désinstitutionnalisation"...

La chute de Ceausescu : l’espoir déçu

[Voir auparavant :  >>> Adoption en Roumanie (2) - Adoption en Roumanie (vision humanitaire française) (1) : l'abandon institutionnalisé... ]

Lors de l’élimination de Ceausescu, à la fin de 1989, ce système était en place depuis vingt ans et fonctionnait à plein rendement : l’abandon d’enfants était entré dans les mœurs et fournissait des petites victimes par milliers pour entretenir cet énorme appareil d’orphelinats, devenu le premier employeur du pays avec environ 100 000 salariés.
A Bucarest, les ministères se disputaient la tutelle sur les orphelinats, et chacun — la Santé, l’Education, le Travail, les Handicapés — poussé par les syndicats, en voulait sa part et "s’arrachait" cette manne providentielle, revendiquant le droit d’avoir “ses” enfants abandonnés.

Romanian Orphans. © Robert Levy/Mental Disability Rights International. [Source : New-York Times, 2006.]

A la veille de la “Révolution”, on estime à environ 120 000 le nombre de jeunes prisonniers de cette "machine à broyer des vies d’enfant". Logiquement, la disparition du “génie des Carpates”, en décembre 1989, aurait dû marquer la fin du système. En effet, l’une des premières lois votées par le Parlement roumain en 1990 a abrogé l’obligation de procréer et autorisé l’avortement tandis que, par ailleurs, les télévisions du monde entier avaient révélé les conditions de vie épouvantables des enfants dans les orphelinats, et diffusé des images qui rappelaient des temps abominables que l’on croyait révolus.
Du coup, les ONG du monde entier ont afflué en Roumanie, et un grand élan de solidarité s’est développé en Europe occidentale et aux Etats-Unis pour secourir les enfants des orphelinats.
Et pourtant.
Comme un canard décapité qui continue à courir, le système a survécu pendant sept années à la disparition de son fondateur : il faudra attendre 1997 pour que l’ordonnance scélérate de 1970 soit abrogée.

Pendant les années 1990-1997, le système des abandons d’enfants, et de leur enfermement en orphelinats, a en effet continué sans grand changement. Pourquoi ?
Trois raisons principales viennent expliquer le maintien de ce système.
D’une part, la misère due à la transition d’un système collectiviste à une économie libérale s’est en quelque sorte substituée à la contrainte de la loi de 1970 pour provoquer les abandons d’enfants, qui se sont poursuivis au même rythme qu’autrefois (environ 10 000 par an).
D’autre part, les ministères de tutelle des orphelinats et les syndicats des personnels se sont arc-boutés pour garder leurs proies : les abandons d’enfants étaient leur gagne-pain.
Enfin, l’Union européenne, principal bailleur de fonds des ONG, a commis la grave erreur de financer l’aide aux orphelinats sans exiger de la part du gouvernement roumain l’abrogation de l’ordonnance de 1970.
Autrement dit, la manne bruxelloise, qui s’est élevée à plusieurs dizaines de millions d’euros au cours de cette période 1990-1997, a servi non pas à changer le système, mais à l’améliorer. Pas une seule fois, au cours de ces sept années post-révolutionnaires, l’Union européenne n’a subordonné son aide au respect du droit de l’enfant à une famille, pourtant inscrit dans le Préambule de la Déclaration des Nations unies ratifié par la Roumanie dès 1990. Des “bureaux d’études” français, anglais ou belges commissionnés et grassement rémunérés par l’Union européenne, se sont succédé à Bucarest et ont élaboré toutes sortes de rapports sans jamais dénoncer le cœur même du système, à savoir l’abandon des enfants.
Le plus étonnant peut-être est qu’aucune des grandes ONG présentes en Roumanie pendant cette période ne se soit insurgée : elles ont continué à couvrir le drame tant qu’elles ont trouvé des financements communautaires, puis sont parties, les unes après les autres, sur la pointe des pieds pour la plupart, quand les sources de financement se sont taries.

Ainsi, à la fin de 1996, au moment où M. Constantinescu a succédé à M. Iliescu à la présidence de la République, l’ordonnance de 1970 était toujours l’alpha et l’oméga de la “politique de protection de l’enfant” en Roumanie, et les 600 orphelinats de Ceausescu, dont des mouroirs par dizaines regorgeaient d’enfants, fonctionnaient à plein régime avec un effectif global estimé à environ 100 000 enfants.

Le tournant de 1997 

Le tournant est survenu les 21 et 22 février 1997, avec la visite officielle rendue par le président Chirac à son homologue roumain. Pendant les deux journées qu’il a passées à Bucarest, M. Chirac n’a cessé de le répéter à ses interlocuteurs : sept années après la disparition de Ceausescu, il est inacceptable que la Roumanie continue à organiser et à encourager l’abandon des enfants, et l’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne est inenvisageable tant que ce système honteux perdurera. Le message a été bien compris : quelques jours après la visite de M. Chirac, le Premier ministre roumain, M. Victor Ciobea, a fait entrer au gouvernement un jeune médecin de 28 ans, le docteur Cristian Tabacaru, comme secrétaire d’Etat à la Protection de l’Enfant, avec pour mission de procéder à la réforme tant attendue. Le docteur Tabacaru n’a pas déçu : en quelques mois, il a réussi à changer le système. Sa première décision a consisté à abroger l’ordonnance de 1970 sur laquelle reposait tout l’appareil des orphelinats : tel a été l’objet de l’ordonnance du 12 juin 1997. Dans le même temps, surmontant la résistance acharnée des syndicats de personnel, des politiciens et des ministères, le docteur Tabacaru a réussi à transférer aux Conseils généraux la tutelle sur certains orphelinats : les “leagan” et les “casa de copii”. Il a fallu attendre novembre 1999, et l’intervention de la Commission européenne, pour que les autres orphelinats (“camin spital”, “centres de NPI”, et “écoles spéciales”), soient à leur tour décentralisés, tant la réforme rencontra d’oppositions.

Cette politique de décentralisation fut la clé du changement pour deux raisons principales.
D’une part, l’intérêt des Conseils généraux diverge fondamentalement de celui des ministères : les premiers, par souci d’économies, ont tout avantage à ce qu’il y ait le moins d’enfants possible dans les orphelinats, alors que les seconds cherchent au contraire à en avoir le plus grand nombre pour justifier davantage d’emplois ou de crédits budgétaires ;
d’autre part, les Conseils généraux sont, par définition, plus proches des enfants et des familles que les fonctionnaires des ministères à Bucarest : ils savent ce qui se passe dans les orphelinats et peuvent donc réagir plus rapidement.
Du fait de la décentralisation des orphelinats, une nouvelle administration apparut dans le pays, celle des Directions Départementales de la Protection de l’Enfant (D.D.P.E.) : depuis le 1er janvier 1998, chacun des 41 départements de Roumanie est doté d’une D.D.P.E., sur le modèle de nos D.D.A.S.S. Le rôle de ces D.D.P.E. consiste à faire respecter le droit de chaque enfant à une famille, et donc à mener une politique de “désinstitutionnalisation”.

[Source : DE COMBRET François - fondateur de SERA (Solidarité Enfants Roumains Abandonnés)-. Les enfants abandonnés. in 1989 - 2009 20 ans après la Révolution : l’abandon des enfants en Roumanie
Article paru dans la revue Humanitaire, Le Quai d'Orsay et l'humanitaire, n°7, printemps/été 2003.]


[VOIR AUSSI :
Adoption en Roumanie (1) - Histoire de l'adoption internationale en Roumanie (vue des Etats-Unis) : Généralités...

Adoption en Roumanie (2) - Adoption en Roumanie (vision humanitaire française) (1) : l'abandon institutionnalisé...  ]


EN SAVOIR PLUS : 
>>> Blog : lesadoptesderoumanie.blogspot.com





mercredi 30 septembre 2015

Adoption au Pérou (2) - Migration péruvienne et adoption en Espagne...

Contexte : Migration péruvienne et adoption en Espagne

Dans les années 1980 et au début des années 1990, le Pérou est un pays d'origine important pour la migration et l'adoption.

La migration transnationale du Pérou a fortement augmenté dans les années 1980 et au début des années 1990, en partie en raison du taux de chômage élevé et de la crise politique au Pérou sous les gouvernements d'Alan García et Alberto Fujimori.

L'Espagne, l'Italie et le Japon ont reçu la majeure partie des migrants péruviens au cours de ces années, alors que la politique d'immigration des États-Unis les limitait et que ces nations encourageaient les migrations pour le travail.

Beaucoup d'experts de l'adoption internationale ont noté que l'adoption apparaît où des catastrophes naturelles ou des guerres ont eu lieu et le Pérou n'a pas fait exception.

Poster of Abimael Guzmán celebrating five years of war

Le violent conflit entre le Sentier Lumineux et les forces gouvernementales péruviennes ont engendré des adoptions internationales illégales ou " irrégulières "au Pérou, qui ont atteint un sommet au début des années 1990 et ont considérablement diminué après que le Pérou a adopté une loi en 1993 sur l'adoption (loi 26981) qui a mis en œuvre de nombreuses mesures de protection et des contrôles sur le processus d'adoption.

Actuellement [NDLR : 2010] le Pérou envoie environ 30 enfants à l'Espagne par an, moins qu'en Italie, mais plus qu'aux États-Unis (qui sont à l'heure actuelle les trois principales destinations des enfants péruviens adoptés à l'échelle internationale).
Ces chiffres sont en forte baisse par rapport aux sommets du début des années 1990 .

La migration vers l'Espagne est d'un intérêt ethnographique en raison de la grande rapidité avec laquelle elle a transformé la démographie espagnole.
Sous Franco, l'Espagne était une (soi-disant homogène) nation d'émigrants - personnes ayant fui la dictature à la recherche de liberté politique et, peut-être plus important encore, d'une chance de gagner sa vie.
Les changements sociaux et politiques qui se sont déroulés au cours des dernières décennies ont stimulé la croissance rapide d'une population migrante estimée aujourd'hui à plus de 6 millions (14,1% de la population totale en Espagne).

Une migration semblable, mais à plus petite échelle, s'est produite dans le domaine de l'adoption : l'Espagne a envoyé des enfants adoptables à l'étranger plus tôt dans le XXe siècle, et seulement récemment, elle est devenue un pays d'accueil pour les enfants adoptables.

[Source : Leinaweaver Jessaca B. Kinship paths to and from the New Europe : a unified analysis of peruvian adoption and migration. J Lat Am Caribb Anthropol. 2011 November ; 16(2) ]



[Voir aussi : 
Adoption au Pérou (1) - La classique circulation des enfants dans les Andes... Wawachakuy : faire d'un enfant son enfant par les nourritures caloriques et affectives...]

mercredi 16 septembre 2015

Adoption en Ancienne Inde (3) - Paternité par Voie d'Adoption dans le Droit Hindou Ancien (3) : Adoption Kritima...

Adoption Kritima

À l’origine cette forme d’adoption créait un lien entre une famille et un orphelin animé par l’esprit de lucre ; un orphelin de père et de mère acceptait par intérêt le statut d’adopté, proposé par une tierce personne.
Ce mode d’adoption a subi au cours des temps des transformations pour devenir applicable à tout le monde.
C’est une adoption par consentement directement entre l’adoptant et l’adopté. L’adoptant et l’adopté doivent être de la même caste.

La formalité essentielle consiste dans l’expression du consentement mutuel. Aucune autre cérémonie n’est indispensable.
Ordinairement l’opération se déroule de la manière suivante : le jour faste choisi, l’adoptant et la personne à adopter se purifient par le bain et se rencontrent à une heure faste ; ils prononcent l’un après l’autre ces mots : « Sois mon fils » – « Je suis devenu ton fils. » L’adoptant fait alors à l’adopté un cadeau approprié.
Cette expression du consentement par l’adopté implique qu’il soit majeur. Aucune limite d’âge n’est prescrite.
Le fait qu’il ait été initié dans la famille d’origine par le sacrement de l’upanayana ou même qu’il soit marié et ait des enfants n’est pas un obstacle à l’adoption. Cependant, dans certaines régions où cette forme d’adoption est fort en vogue, l’adoption d’un mineur, non orphelin, est acceptée ; dans ce cas le consentement est donné par les parents de l’adopté.

L’adoption peut être faite par le mari ou la femme isolément. 
Quand la femme adopte, c’est toujours pour son compte et non pour celui du mari, que ce soit du vivant du mari ou après sa mort. Elle peut adopter un fils pour elle, même si l’enfant adopté par le mari est vivant. Le fils adoptif de l’un des époux n’est pas le fils de l’autre. Il est toutefois permis aux deux époux d’adopter un fils conjointement.

Le consentement du mari ou d’aucune autre personne n’est nécessaire. Mais ni l’épouse ni la veuve ne peuvent adopter un fils pour leur mari, même avec son autorisation expresse. Le lien de parenté entre l’adoptant et l’adopté est sans importance. En cas de survenance d’enfant chez l’adoptant, le contrat est susceptible d’être résilié, sauf stipulation contraire.

L’adopté ne perd aucun de ses droits dans la famille d’origine. Il ne prend pas le nom de la famille adoptive ; mais il accomplit les rites funéraires pour l’adoptant et prend son héritage. Dans la famille adoptive les liens juridiques existent seulement entre l’adoptant et l’adopté et ne s’étendent pas au-delà. Ainsi l’adopté n’hérite pas du père de l’adoptant ou même du conjoint de l’adoptant, de même le fils de l’adopté n’hérite pas de l’adoptant. Les liens se limitent donc aux parties contractantes. L’adopté perd tout droit à la succession en cas de survenance d’enfants chez l’adoptant. Mais comme le pont n’est pas coupé du côté de sa famille d’origine, c’est seulement un manque à gagner.
Cette forme d’adoption très souple, admettant des liens de filiation réduits, a une allure d’institution d’avant garde.

[Source : Annoussamy D. Filiation en droit hindou ancien.
in  ROY O.(dir). Réflexions sur le pluralisme familial. Paris. Presses Universitaires de Paris Ouest : 2011.]


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