jeudi 27 janvier 2011

ADOPTION - CE QUE JE PENSE DE L'ADOPTION HUMANITAIRE

Le projet d’adoption doit s’intégrer dans un projet parental et non dans le seul but de sauver un enfant de la misère et de la mort. L’adoption a pour but essentiel de donner une famille à un enfant.  Elle ne se réduit pas à sauver des petits malheureux qui vivent dans des pays pauvres.


                        Nous ne faisons pas des enfants uniquement pour soi mais également pour eux. De même, nous n’adoptons pas des enfants uniquement pour eux mais également pour soi. Que l’adoption soit bénéfique certes, mais elle n’est pas obligatoirement salutaire, loin s’en faut. L’enfant adopté n’est pas redevable de par le fait de ses parents adoptifs : il y aurait là un biais relationnel fort dommageable, où l’enfant se sentirait toujours en situation de chanceux, de soumis,  comme s’il n’était en rien maître de son destin. L’enfant adopté doit-il entièrement son salut au fait d’avoir été adopté ? Les parents adoptifs attachés à la seule raison humanitaire pure pensent peut être que, dans leur relation avec l’enfant adopté, tout est gagné et que tout leur est dû : le pauvre petit n’aurait de toute façon pas pu survivre dans son pays, il ne peut donc qu’être gentil et bien obéissant à l’égard de ses sauveurs. Mais la parentalité n’est pas gagnée d’avance, elle se mérite et se construit.

                        Ceux qui pensent que l’adoption est une chance uniquement pour l’enfant adopté oublient qu’elle est également une chance pour les parents : l’équilibre est dès lors plus clair, et évite de résumer l’adoption à un sauvetage de petits malheureux venus d’ailleurs. Ceux qui la considèrent uniquement comme une chance pour l’adopté ont une vision bien réduite des choses. La « chance d’être adopté » doit se faire dans les deux sens : les parents adoptent l’enfant mais l’enfant doit également adopter ses parents. Le lien est équilibré si les deux se sont adoptés mutuellement, et pas seulement l’un ou l’autre. Les enfants naturels ne choisissent pas non plus leurs parents ni leurs familles : passe-t-on son temps à leur rappeler la chance qu’ils ont d’être nés dans telle ou telle famille ? D’ailleurs, le lien biologique n’est pas non plus la garantie d’une parentalité réussie.

                        A l’inverse, ceux qui considèrent que l’adoption est faite uniquement pour les parents adoptifs ont une vision limitée et erronée : elle ne se réduit pas à la recherche et à l’obtention d’un enfant à tout prix (comme si l’enfant était l’objet de marchandage et lui-même une marchandise). Elle donne par ailleurs des arguments aux adversaires de l’adoption internationale. L’enfant serait arraché à ses racines et marchandé, réduit à un produit commercial plus qu’à un être humain.

                        Ceux-là oublient que l’enfant déraciné ne l’est pas par le fait de l’adoption mais l’est par sa situation dans le pays d’origine lui-même. Nonobstant l’adoption elle-même, les conditions ne sont pas toujours réunies pour permettre à l’enfant de s’enraciner dans son pays d’origine. Qu’il s’agisse de conditions sociales, familiales, économiques, ce n’est pas l’adoption qui cause le déracinement, ou plutôt l’impossibilité d’enracinement : l’adoption au contraire permet cet enracinement de l’enfant dans une terre différente de sa terre natale. Il est délocalisé de sa terre natale plus que déraciné.

[Source : PIERRON J, Données socio-familiales de l’adoption internationale en France (étude descriptive à partir des dossiers des 800 premiers enfants vus à la Consultation d’Adoption Outremer du Dr J.V. de Monleon au CHU de Dijon). Thèse de médecine. Dijon : Faculté de Médecine de Dijon, 2007, 206 p.]

11 commentaires:

  1. Je pense tout comme toi, jeune !

    Mais c'est encore meiux quand c'est un adopté qui le dit !

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  2. Je suis touché, grand ! (et honoré)

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  3. Merci pour ces mots jeune padawan de J-V M (c'est par le sien que j'ai trouvé ce blog) Et vu qu'on entend plus souvent parler les adoptés qui ne vont pas super bien voire mal, ça fait du bien d'en entendre qui vont bien.
    Gibie juste 3 ans de plus, maman d'un 'tit loulou de 6 ans, né en Thaïlande, depuis presque 17 mois à la maison.
    PS :viva 80's !

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  4. Merci pour ces mots justes, mesurés et plein de vérité. J'aime particulièrement le passage sur le déracinement supposé des enfants adoptés... qui rappelle de tristes polémiques autour du rapatriement des enfants haitiens après le séisme. Vous dites les choses avec justesse : délocalisé, pas déraciné... et il est des terres fertiles où peuvent pousser avec profit les fruits les plus "exotiques"... avec l'attention vigilante du jardinier...
    J'aime bien aussi les reflexions sur la "chance" supposée des enfants adoptés : maman d'un petit garçon haïtien arrivé depuis 3 ans, je m'énerve toujours lorsqu'on me dit, dans la rue (mais de quoi je me mêle !) que mon fils a bien de la chance... Je réponds en général que la chance est bien partagée, et que c'est moi qui ai de la chance d'être maman d'un petit garçon merveilleux... Il est encore bien petit, mais je ne supporte pas l'idée qu'il puisse grandir avec le poids d'une "dette" quelconque à mon égard. Ni lui ni moi n'avons de dette, notre histoire, c'est une histoire d'amour et de bonheur qui se construit certes, au départ, sur deux détresses différentes : l'abandon d'un côté(terme qu'il faudrait nuancer mais c'est un autre débat, disons plutôt le "confiage"), et l'impossibilité d'enfanter de l'autre, et notre "job" à tous les deux, c'est de construire sur ce manque originel une histoire d'amour et de vie.
    Bon, je vais être plus longue que vous ! Juste un dernier mot pour dire que j'aime bien votre blog tout neuf...
    Blandine

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  5. @Gibie : merci. C'est effectivement dommage que les médias ne s'intéressent en majorité qu'aux adoptés qui vont mal, véhiculant ainsi l'idée qu'un enfant adopté ira forcément mal, sauf rares exceptions. Dans ce cas, j'espère ne pas être un cas isolé...

    @Blandine : Merci !

    OUI, mon post est fait pour lutter contre les opposants à l'adoption, qui parlent entre autres très naturellement de déracinement, ce qui est une preuve d'inculture sur l'adoption internationale... J'espère que mon post est convaincant sur ce point.

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  6. @ Gibie de nouveau :
    Si vous êtes fan des 80's, sachez que les commentaires aux posts correspondants devraient être plus "légers" et drôles que ceux correspondant aux billets sur l'adoption...
    Alors, n'hésitez pas à réagir !

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  7. @Blandine encore :
    La chance d'être adopté par ses enfants se pose à tout parent, quel que soit le type de filiation.

    Le type de filiation, qu'elle soit adoptive ou biologique, n'est pas une garantie suffisante pour une parentalité réussie: il est nécessaire que l'enfant ait adopté ses parents (adoptifs ou biologiques). Et ce n'est jamais gagné d'avance.

    Pour un enfant, on ne choisit pas ses parents -comme le dit la chanson- certes, mais on peut choisir de les adopter ou non...

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  8. 80s je n'y manquerai pas lorsque je serai inspirée et pas trop à la bourre dans mon planning. ^^

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  9. Je me souviens de la boutade d'une maman: "nous avions le choix entre adopter et creuser un puits au Sahel, nous avons beaucoup hésité mais nous avons fini par adopter !". En tant que parent adoptif, il est désarmant de se retrouver confronté à des réflexions qui se veulent bien intentionnées du type "c'est beau ce que vous faites" ou "il/elle a bien de la chance". Mais quand nous répondons "c'est nous qui avons beaucoup de chance", nous le pensons vraiment.

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  10. Bravo et Merci !!!
    Quand on me dit "oh c'est beau ce que vous avez fait, .;gnangnangnan.."
    Qu'est ce que cela m'énerve...
    Du coup je réponds que non c'est égoïste !
    On n'adopte pas un enfant, on s'adopte mutuellement! On construit une famille, pas un puits ou une école!!!
    Cela n'empêche pas de le faire à coté, mais c'est une autre histoire.

    Olivier papa adopté par deux timouns et "constructeur d'école humanitaire au Mali"

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  11. Merci Julien.
    Tes mots sont débordants de vérité.
    ps: Moi aussi j'espère ne pas être un cas isolé d'adoptée qui va bien ;-)))))

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