Affichage des articles dont le libellé est Polynésie. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Polynésie. Afficher tous les articles

dimanche 4 décembre 2011

Adoption fa'a'amu en Polynésie - Splendeurs traditionnelles et misères modernes...

L'adoption en général et l'adoption fa'a'amu en particulier ne correspondent pas à la recherche et à l'obtention d'un enfant-objet à tout prix par des parents-pieds nickelés.

Et il est regrettable que l'émission Archipels 'Ma famille adoptée' diffusée le 03/12/2011 à 20h35 mette en scène un couple qui entre dans les clichés de ce que n'est pas et ne doit pas être l'adoption en Polynésie.
[Résumé (source : Pluzz.fr) : "Un documentaire français réalisé par Eliane Koller. Chaque année, une centaine de couples débarquent à Tahiti en quête de parents biologiques prêts à accepter de leur confier un enfant. Marc et Nathalie Bouteilley font partie de ceux-là. C'est dans cet archipel des antipodes qu'ils ont déjà adopté Tomy, leur petit garçon. En Polynésie, il existe une coutume particulière, difficile à comprendre pour les Occidentaux : le fa'a'amu, qui signifie littéralement «nourrir», «adopter». Une tradition encore très vivante, puisque plus de 10 % des enfants sont élevés par les grands-parents, des tantes, des voisins, des amis, et même parfois des étrangers. Soucieux de respecter leur engagement, les Bouteilley reviennent à Tahiti régulièrement pour préserver les liens avec les parents biologiques de Tomy."]

L'adoption fa'a'amu serait difficile à comprendre pour les Occidentaux...
Mais elle l'est également pour ceux qui ont monté le reportage c'est évident...
Quelques recadrages et commentaires s'imposent donc...  
Maître Jean-Vital le ferait beaucoup mieux que moi, mais je me lance quand même...


 (Attention au sauvage tahitien qui manque de courtoisie...)

Splendeurs traditionnelles et misères modernes de l'adoption fa'a'amu en Polynésie (ou les Popa'a-pieds nickelés à Tahiti)


La société polynésienne a depuis longtemps pratiqué l’adoption sous forme d’échange et de don d’enfants. Le mode d’adoption polynésien peut être considéré, à certains égards, comme un modèle.[1 ;2]

Les peuples autochtones de Polynésie française pratiquent l’adoption traditionnelle depuis des temps immémoriaux.[4]  
Dans la mythologie tahitienne, les adoptions sont nombreuses entre les dieux, qui scellent ainsi des alliances. En échangeant des enfants, signe de confiance absolue, on devient membres d’une même famille. Historiquement, à l’issue des guerres qui furent nombreuses entre les différentes îles, l’échange d’enfants entre les souverains était le meilleur moyen de conclure la paix.[1 ;2]

A Tahiti, l’ancienneté de l’adoption dite « fa’a’amu », qui signifie littéralement « faire manger », est attestée non seulement par la tradition orale et la cosmologie des populations locales, mais aussi par les récits des voyageurs européens du XVIIIème siècle.
Son origine exacte est inconnue, mais ses fonctions de base comparables à celles d’autres pratiques traditionnelles de l’adoption, notamment en Afrique: un enfant peut être « donné », avec l’accord ou sur l’initiative du conseil de famille, en cas de difficultés particulières liées au couple parental, mais aussi en échange d’un service, pour créer ou renforcer une alliance ou encore pour guérir d’une infécondité. Traditionnellement, le fait de confier son enfant à un tiers s’inscrit souvent dans la logique du don et du contre don, qui fait du récipiendaire de l’enfant l’obligé du donateur.[4]

A l’heure actuelle, la famille étendue garde son importance, même si la mondialisation entraîne le développement des familles nucléaires chez les jeunes Polynésiens.[2] Beaucoup aspirent à quitter le domicile de leurs parents dès la création de leur couple. Mais même dans ce cas, l’avis des anciens compte beaucoup, et la solidarité familiale reste forte.[1 ;2]

L’étude de la langue tahitienne témoigne de l’importance culturelle de l’adoption dans cette région. Sur le plan linguistique, le même terme (metua tane) est utilisé pour désigner son père, mais aussi les frères de celui-ci ou encore les cousins du père. En revanche, il existe des termes précis pour désigner les parents biologiques : fanau (littéralement : donner la vie), et les parents adoptifs : fa’a’amu (littéralement : donner à manger).

Raisons traditionnelles de l’adoption[1 ;2]

L’adoption reste encore très fréquente dans les familles polynésiennes.
Des ethnologues ont cherché à en connaître les raisons traditionnelles.

Pour les parents qui donnent leurs enfants (fanau), il s’agit souvent de remplir une obligation (pour service rendu) et ainsi d’honorer des parents ou amis. Ce peut être aussi le désir d’établir, ou de renforcer, une alliance ou, plus rarement, des difficultés économiques.
Pour les parents qui adoptent ces enfants (fa’a’amu), les raisons sont pratiquement identiques. Il importe de remplir une obligation et d’honorer des parents ou amis en acceptant leur enfant, d’établir ou de renforcer une alliance.
C’est aussi le désir d’avoir des enfants à la maison, soit que l’on n’en ait pas, soit que l’on n’en ait plus (enfants devenus adultes) ; c’est, dans ce cas, une sorte d’assurance vieillesse.

Différencier don de l’enfant et don fait à l’enfant

L’adoption fa’a’amu, où il y a don d’enfant avec circulation et contre-don, ne se conçoit quasi-exclusivement qu’en intrafamilial et intra-clanique (ou famille élargie).
Jean Vital de Monléon rapportait qu’aujourd’hui, 10 à 20% des enfants de cette région du monde vivaient encore ce type de transfert, le plus souvent dans le cadre de leur famille élargie.[5] Mais elle concerne très rarement les Popa'a (littéralement "étrangers blancs").
Statistiquement, le don d’enfant pour les adoptions en Polynésie, si à la mode et si répandu parait-il,  représente en fait moins de 3% des adoptions polynésiennes en France.[3]

Mais il faut bien savoir de quel type de don on parle :
Si l’on parle du don d’enfant traditionnel, celui de donner un enfant à des parents adoptifs Popa'a,il est très confidentiel (moins de 3%) ;
Par contre, si l’on parle du don fait à l’enfant de lui donner une famille (en cohérence donc avec le fameux ‘intérêt supérieur de l’enfant’-donner une famille à un enfant-), il concerne la quasi-totalité des adoptions polynésiennes par des métropolitains. [3]


Misères modernes de l’adoption fa’a’amu : les Popa'a-pieds nickelés cherchent un enfant bon marchéCf. l’émission ‘Archipels’ du 03/12/11…

Lorsque j’évoquais le don fait à l’enfant plus haut, il faut bien entendu considérer les adoptions éthiquement correctes menées par des parents éthiquement corrects sur placeEt cette place ne se réduit pas à celle du marché…

Il est éthiquement correct que l’on n’ait pas affaire à des Popa'a-pieds nickelés venus faire leur marché avec carte de visite-photos-annonce d’achat gratuit d’enfants à l’appui, venus rechercher leur enfant à tout prix (parmi d’autres produits frais du jour) en toute déconsidération de l’enfant réduit à un objet-cadeau, de la population polynésienne considérée comme des vendeurs bon marché d’enfants ou des marchands du Temple, et jetant le discrédit et la honte sur l’ensemble des adoptants considérés comme des acheteurs-chercheurs d’enfants, et sur l'ensemble des adoptés réduits à de la marchandise.

Bref, après tout ça, est-il utile de dire mon opinion intime sur le reportage 'Archipels-Ma famille adoptée' ? Je ne pense pas…

Mais j’attends vos opinions, réactions et commentaires avec plaisir...


Et comme le chantaient avec sagesse et délectation les Pop-Fab Four :
 "Money can't buy me love...No No No NOOOOOOOOO (Sustain) !"


[Références :
1 - PIERRON J, Adoption et séparation d'enfants : diverses approches anthropologiques, in : VINAY A et Al, Pyschologie de l'attachement et de la filiation dans l'adoption, Paris, Dunod, 2011;
2- DE MONLEON JV, Naitre là-bas, grandir ici : l'adoption internationale, Paris, Belin, 2003;
3- PIERRON J, Données socio-familiales de l’adoption internationale en France (étude descriptive à partir des dossiers des 800 premiers enfants vus à la Consultation d’Adoption Outremer du Dr J.V. de Monleon au CHU de Dijon). Thèse de médecine. Dijon : Faculté de Médecine de Dijon, 2007, 206 p.
4- MICHEL SCOTTI D, D’un monde à l’autre ? Quelques questions à propos d’adoption traditionnelle (lien du 04/12/11) : http://www.espace-adoption.ch/puma/pdfs/article_d__un_monde___l__autre.pdf
5- DE MONLEON JV, L’adoption en Polynésie française et les métropolitains : de la stupéfaction à la participation, in : LEBLIC I et Al, De l’adoption, des pratiques de filiation différentes », Paris, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2004. ]
Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...