Si vous n'avez pas lu le billet émouvant de Moushette intitulé "Mesdames Butterfly..." , lisez-le d'abord en cliquant ici.
Avant de poursuivre, je préviens que le but de mes billets n'est pas de faire dans le mélo, le pathos, l'émotionnel, le misérabilisme, la pitié etc.
En outre, il est inutile de m'accuser de manquer de cœur ou d'émotion ou de faire preuve de cynisme : il s'agit de billets simplement, et je n'ai pas à justifier de ma compassion, de mes émotions, même si j'en ai réellement....
Mes buts sont plus de poser les choses telles que je les pense, surtout pour lutter contre les généralités, les préjugés, les raccourcis nocifs en matière d'adoption, et ce pour aider à faire preuve de plus d'ouverture d'esprit et de compassion justement, et amener à réfléchir : je ne prétends pas détenir la vérité ni être exhaustif sur la question traitée, mais je souhaite apporter des pistes de réflexion...
Le but de ce billet est avant tout de lutter contre l'idée que la mère de naissance "abandonnante" aurait forcément choisi d'"abandonner" son enfant et qu'elle devrait dès lors être totalement inexistante dans le passé de l'enfant adopté. Je ne lui donne pas pour autant un statut de parent social.
Tout n'est pas si simple...
Au moment de la conception de l'enfant, la procréation a pu être désirée depuis longtemps avant, ou au contraire subie, forcée. Quoi qu'il en soit, ces mères de l'ombre ont toutes en commun d'avoir porté l'enfant dans leur ventre pendant environ 9 mois, sans s'en être séparé.
Ensuite, elles ont toutes en commun d'avoir donné la vie, donné naissance à l'enfant : si elles avaient délibérément voulu s'en séparer, le terrible recours à l'infanticide était possible malheureusement, mais elles n'ont pas opté pour ce choix meurtrier.
Ensuite encore, le choix de se séparer de leur enfant n'a pas été forcément délibéré, selon leur volonté, leur désir : les difficultés familiales, économiques, le poids social, avec le risque d'impossibilité d'existence pour elle et pour l'enfant, a pu les amener à se séparer de leur enfant. L'adoption devenait dès lors un moyen de survie pour elle et pour l'enfant.
Mais ces circonstances de séparation ne remettent pas en cause le statut de parenté sociale des parents adoptifs : les parents adoptifs sont les parents sociaux, les "vrais" parents, responsables de l'enfant, de son éducation, de son développement dans sa société (la nôtre). Les mères biologiques ont permis à l'enfant de vivre, mais n'ont pas pourvu à son éducation, son développement, à l'instauration et à l'affûtage de ses repères sociaux dans la société où il vit...
Conclusion: nous avons toutes les raisons de faire preuve de compassion pour les mères de naissance, mais il ne s'agit pas de confondre le statut de parent social qui est celui du parent adoptif, avec celui de mère de naissance qui a donné la vie à l'enfant, ce qui est déjà beau et respectable et doit être respecté...
[Et croyez bien que mes pensées ont été nombreuses et pleines de compassion pour ces "Mesdames Butterfly" depuis la lecture du touchant et très beau billet de Moushette... Merci Moushette, de nous faire partager tes émotions...]
Blog d'un A.A.A.(= Adopté Adoptiologue Adoptiophile) bien dans sa tête qui s'attaque à la CULTURE de l'ADOPTION ! Mon approche de l'adoption, du monde de l'adoption et des adoptés DANS LE TEMPS ET DANS L'ESPACE, à l'appui de l'Anthropologie, de l'Histoire, des A.A.O., des A.F.A.,de l'Actualité, des Mythes, des Religions, des questions de société...©J.ChAbAdA ; 2011.
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Une très belle chanson sur ce thème, qui parlera à beaucoup d'entre nous : http://www.wat.tv/audio/francis-cabrel-mademoiselle-3aixv_2eysb_.html
RépondreSupprimerMerci Bruno pour ce lien vers cette magnifique chanson de Francis Cabrel.
RépondreSupprimerLes mères de naissance / les premières mères ont-elles le droit de rechercher (leurs enfants)?
RépondreSupprimerDo birth mothers/first mothers have the right to search?
Lire la suite
Merci Zench pour le lien vers l’article du SSI sur les mères d’origine, « oubliées » de l’adoption internationale.
RépondreSupprimerJe ne sais pas votre avis sur la question. Si vous souhaitez le donner, n’hésitez pas.
Il est certain que ce tabou sur les origines, sur la considération des mères d’origine, est lié à de nombreux obstacles :
- d’une part dans le pays d’origine :
Selon le contexte et le pays, les pressions sociales, culturelles, religieuses, la volonté de ne rien dire, ou le désir de la mère de naissance de rester anonyme etc., peuvent intervenir… Le travail doit effectivement se faire au sein du pays d’origine, mais est-ce au pays d’accueil de l’enfant de dicter à ces pays leur code de conduite ?
- d’autre part dans notre pays :
Nous sommes dans un pays d’ancrage biologique, de « vrais » parents qui seraient les parents de sang, de naissance… Dès lors, n’est-il pas légitime de laisser un tabou sur ces mères d’origine, qui, du fait du « tout biologique », redeviendraient dans la réalité les « vraies » mères de l’enfant ? (je me place ici du point de vue de parents adoptifs qui pourraient craindre de perdre leur légitimité de « vrais » parents en cas de lien avec la mère d’origine ; j’ai déjà évoqué mon point de vue sur la parenté, qui est sociale avant tout)
- Et à qui devrait revenir la décision de connaître ou de ne pas connaître ?
Je pense que le premier grand pas (celui qui coût le plus sans doute…) est déjà de faire évoluer les mentalités, et pas plus loin qu’ici en France, et de sortir de ce « tout biologique » qui n’est pas règle universelle.
Le retour possible d’information à la mère d’origine quant au devenir de son enfant serait une bonne chose, mais il faut un cadre précis : serait-il bon qu’une mère d’origine prenne l’initiative de retrouver son enfant, enfant qui n’a pas forcément cette problématique en tête, et qui n’a pas forcément prévu ou préparé d’éventuelles retrouvailles ? Ce serait très dommageable de créer les conditions d’une éventuelle séparation de fait de sa famille adoptive…
Peut être faudrait-il, lorsque cela est possible (lorsque les parents d’origine sont connus et souhaitent être connus), que des informations puissent transiter dès le départ et par la suite entre parents adoptifs et parents d’origine sans forcément impliquer l’enfant adopté , et laisser l’enfant libre de ses choix, laisser la porte ouverte : connaître ou ne pas connaître. Il existe bel et bien des enfants adoptés pour qui la question des origines n’est ni centrale, ni souffrante, ni indispensable. Ou à l’inverse, si cette question des origines est capitale, le fait d’une coopération d’informations entre parents adoptifs et d’origine aura permis de « préparer » le terrain, mais une chose ne doit pas être occultée : laisser du temps et laisser le choix à l’enfant adopté.
Il faudrait donc une forte évolution des mentalités (chez nous et dans certains pays d’origine), et ce n’est pas gagné d’avance, mais ce n’est pas une raison pour ne pas considérer la question.
Si vous avez un point de vue sur cette question Zench, n’hésitez pas à réagir.
(Quand je dis un point de vue, je veux dire votre point de vue sur la question. Cordialement)
RépondreSupprimerMon point de vue
RépondreSupprimerLa première urgence est de donner aux habitants du « tiers-monde » les moyens de garder et d’élever dignement leurs enfants.
L'objectif prioritaire est de prévenir la première des violences faites aux enfants: l’abandon à la naissance.
Je suis d’accord avec votre point de vue, Zench (vous me faites cogiter et c’est très bien ainsi), mais permettez –moi de nuancer un peu votre propos : dans l’idéal, la mère d’origine devient la mère biologique et sociale, et a les moyens d’élever elle-même dignement son enfant.
RépondreSupprimerMais n’accusons pas l’adoption internationale de voler les enfants, de les déraciner : s’il s’agit malheureusement de trafics d’enfants, c’est condamnable mais pas assimilable à de l’adoption internationale, qui dans la très grande majorité de cas se fait dans la clarté et la transparence… Ce qui n’est évidemment pas une raison pour fermer les yeux sur les cas de trafics, mais pas une raison non plus pour faire du trafic d’enfants une raison pour interdire l’adoption internationale.
Les problèmes qui se posent pour ces mères d’origine sont liés aux conditions dans le pays d’origine lui-même : elles peuvent être sous le joug du poids social ou de l’exclusion du clan familial, rendant impossible leur existence et leur survie (naissance considérée comme illégitime, statut de fille-mère rejeté par la société par exemple), du manque de moyens financiers (la protection et l’aide sociales ne sont pas des caractéristiques sociales universelles), du poids de grossesses non désirées (viol, inceste), de leur statut de clandestin, de réfugié etc.
Dans l’idéal donc, ce serait aux pays d’origine de considérer et de prendre en charge ces mères et leurs enfants, de leur permettre la survie et l’éducation de leur enfants. Dans l’idéal…
Dans la réalité, il existe des enfants délaissés, dont l’existence, la survie est impossible dans leur pays d’origine, pour les raisons citées précédemment et indépendamment du geste de séparation de la mère d’origine, qui reste une blessure primitive certes, mais dont on peut guérir.
Alors, pour ces enfants sans avenir possible dans leur pays d’origine, l’adoption permet au moins leur survie, mais surtout la création d’un lien filial au sein d’un nouveau foyer familial, avec des liens affectifs certainement plus intenses que s’ils restaient livrés à eux-mêmes ou pris en charge en institution.
Mais nous sommes d’accord Zench : une des urgences est de donner aux habitants des pays d’origine les moyens de garder et d’élever dignement leurs enfants, qui va de pair avec une évolution éventuelle des mentalités dans ces pays d’origine (et ce n’est pas simple…), et la prévention de l’abandon de l’enfant à la naissance : il faudrait les mentalités et les moyens adéquats...
Si vous avez d’autres remarques, n’hésitez pas.
Brève présentation de Zench, à cette page
RépondreSupprimerbonjour Julien et merci de ces textes intéressants sur l'adoption. j'ai un site sur l'adoption, puis-je y mettre le lien de ton blog ? merci à toi
RépondreSupprimernadette
http://adoptionsanstabou.org
Bonsoir Nadette !
RépondreSupprimerNe vous connaissant pas, je me permets de vous vouvoyer. Par contre, j'ai lu le livre de Cécile Delannoy "Au risque de l'adoption" et je l'ai trouvé très intéressant, de même que le contenu de votre site adoption sans tabou.
Je vous autorise à mettre mon blog en lien sur votre site.
Cordialement.
bonsoir Julien
RépondreSupprimerJe vous suis complètement sur la distinction mère de naissance, mère sociale...
Juste une petite remarque, on parle beaucoup des mères de naissance et beaucoup moins des pères de naissance.
Dans les faits c'est plus souvent la mère de naissance que le père qui abandonne ou plutôt confie son enfant à l'adoption. Parfois c'est ensemble qu'ils le font. J'ai en tête un couple à l'orphelinat de ma fille disant adieu à leur fils.. la mère était très réservée l'émotion du père était palpable.
L'histoire de ma fille, orpheline de mère à 2 mois et élevée à bout de bras par son père jusqu'à ses 9 mois, me pousse aussi à penser à ces pères... N'en parle t'on pas, car ils sont moins nombreux ou parce que l'on considère un peu rapidement qu'un père n'ayant pas porté son enfant souffre moins, ou abandonne plus facilement... j'ai eu une discussion assez vive avec l'assistante sociale lors de mon deuxième agrément à ce sujet. Elle trouvait que je devait désigner le père de ma fille comme "géniteur", je n'était pas du tout d'accord. Pourquoi gommer son rôle de père pendant neuf mois ? Père de naissance soit, pas père social, il n'a pas pu.
Voilà c'était ma petite réflexion sur les pères de naissance.
Brigitte
@Brigitte& lilou :
RépondreSupprimerA propos des pères de naissance:
dans la Corée du sud des années 70 et 80, le poids du néoconfucianisme pesait lourd sur les familles sortant du modèle confucéen dans le cadre strict du mariage et sans métissage (Cf mon intervention au billet "ADOPTION - QUI EST ADOPTE ? QUI ADOPTE ?", pour me voir "en vrai") ; pour les parents divorcés seuls avec des enfants, l'existence sociale était impossible. Comme la société coréenne avait un mode de fonctionnement patrilinéaire (transmission du père au fils), en cas de divorce, les enfants restaient avec leurs pères.
C'était donc fréquemment des pères coréens divorcés qui amenaient leurs enfants au Holt Children Services (services pour l'adoption internationale à Séoul et Pusan).
@ Zench : merci pour votre "brève présentation" de vous, quoi vous rend moins impersonnel.
RépondreSupprimerVous êtes toujours le bienvenu pour faire vos remarques, commentaires sur ce blog. Je me permettrai le cas échéant de vous répondre ou de nuancer vos avis... Mais c'est ainsi que l'on peut faire progresser les choses : en n'étant pas forcément d'accord sur tout...
A bientôt, donc ?
Cordialement.
je ne connaissais pas cette info pour la Corée, c'est intéressant merci.
RépondreSupprimerL'abandon par les pères est dans l'imaginaire collectif plus facile, en tout cas il me semble, je ne me fonde que sur mon intuition pour en parler.
C'est vrai aussi que dans notre société, on voit plus de père délaisser leur progéniture, que des mères... alors on fait moins de cas du père de naissance que de la mère de naissance. A tord à mon avis tout de même. Même si il faut le reconnaître du fait de la nature ils sont moins confrontés à une paternité forcée, sauf quand la mère décède.
je pense souvent au père de ma fille, elle en parle de temps en temps.
Brigitte
cela fait plusieurs fois que j'essaye de regarder les vidéos de la journée de la teuf à Montléon comme dirait Moushette, et je n'ai pas le son que des images... j'ai essayé avec le lien du doc et le votre.. de toutes les façons c'est le même site.. pas de son grrrr
RépondreSupprimerbrigitte
Je suis entièrement d'accord avec votre billet.
RépondreSupprimerJ'aimerai donner à ma fille les mêmes certitudes (ou sentiments serait peut être un meilleur terme) que les vôtres sur le geste de ses parents de naissance.
Je leur suis particulièrement reconnaissante de lui avoir donné la vie puis d'avoir fait ce difficile choix de la laisser à la porte d'un orphelinat sachant que je suis persuadée que ce choix a été la conséquence de nombreux facteurs sociaux, économiques voir même culturels que nous ne connaîtrons jamais avec certitude mais qui ne font pas de doute pour moi.
Merci une nouvelle fois des thèmes que vous abordez qui me tiennent vraiment à coeur.
Virginie, maman d'un trésor du Hubei.
Julien, tu (ou vous, je ne sais plus si on se voussoie ou tutoie) connais certainement la BD de Jung, "couleur de peau : miel" et le site de son film en construction.
RépondreSupprimerIl y a des images bouleversantes sur la manière dont il a imaginé son abandon, dont il a reconstitué cette mère qui s'en va et dont il ne connaît pasn le visage, et aussi quand il rêve à leurs retrouvailles.
Je ne sais pas, je ne pense pas que tous les enfants adoptifs pensent à ce moment et le rêvent de cette manière, mais moi mère adoptive il m'a beaucoup remuée. Pourtant je fais partie de ces parents qui ont la chance d'avoir pu rencontrer la famille biologique pendant le séjour, de parler un peu, de disposer d'une photo... Et je n'arrive pas à en penser du mal, alors que là-bas, ces familles en prennent pour leur grade !
A bientot
Un peuple qui prend ses enfants par la main est un peuple qui vivra longtemps.
RépondreSupprimerExtrait du film documentaire L'Enfant et la pirogue
[Alain Gilot]
Tell birth FIRST mothers the truth about adoption
RépondreSupprimerUSA Today published two letters today following up my viewpoints piece (I share Oprah's mom's shame and pain) of last week: "Counsel birth mothers about the realities of adoption" reads a headline I can only think of as stupendous--as it is over a terrific letter by Jeanine M. Biocic, president of Origins-USA, and a email friend of ours at FMF.
La suite sur Birth Mother, First Mother Forum
bonjour,
RépondreSupprimerje découvre avec plaisir votre blog...
pour notre part nous parlons à notre fille de la dame qui lui a donné la vie, qui l'a mise au monde, et qui lui a sauvé la vie...pour nous le mot maman est celle qui élève, prend soin, aide à grandir etc... son enfant durant sa vie. Nous avons une immense estime pour la dame qui a mis au monde notre fille, nous ne la remercierons jamais assez de lui avoir sauvé la vie en l'amenant à l'hopital...nous ne savons rien d'autre sur elle...si souvent je pense à elle et aimerai tant lui dire combien je suis heureuse d'être la maman de Li hua...
Ma fille connait son histoire, nous lui en avons parlé peu de temps après son arrivée chez nous, j'ai mesuré chaque mot (nous avions défini les mots que nous désirions employer avec son papa)mais elle connait tout...elle ne nous pose jamais de questions et semble bien dans sa peau...mais elle sait qu'elle peut nous poser des questions, nous en parler, que nous sommes ouverts à toutes les discussions...et aussi que nous aimons son pays de naissance et que nous avons une grande estime pour lui...la Chine.
Emma heureuse maman de Zoëlie-hua, 5 ans et demi avec nous depuis 2 ans et demi, née à Shanghai,special need.
voici notre blog: http://zoeliehua.free.fr