vendredi 27 mars 2015

Adoption en Ancienne Inde (2) - Paternité par Voie d'Adoption dans le Droit Hindou Ancien (2) : Adoption dattaka...

Adoption dattaka (fils donné en adoption de plein gré par son père)

[Voir auparavant : Adoption en Ancienne Inde (1) - Paternité par Voie d'Adoption dans le Droit Hindou Ancien (1) : Les diverses sortes d’adoption...]

Pour pallier la désolation qui résulterait de l’absence d’un fils, il est indispensable, en cas de besoin, d’en adopter un qui puisse être intronisé dans cette grande famille dont les frontières s’étendent au-delà de ce monde.
Pour ce faire l’adoptant ne doit pas avoir de descendant direct jusqu’au troisième degré. La grossesse de l’épouse n’est pas un obstacle à l’adoption. Si le seul descendant direct devient ascète ou entre dans un ordre religieux l’adoption est possible. De même, s’il est exclu de la caste ou renonce à la religion ou souffre d’une maladie incurable le rendant inapte à accomplir les cérémonies funéraires.

L’adoption n’est pas laissée à la discrétion de l’hindou ; elle s’impose à lui. S’il n’a pu adopter de son vivant un fils qui lui agrée, il peut donner mandat à sa femme d’en adopter un pour son compte après sa mort. Même s’il meurt sans donner un tel mandat, la veuve à l’obligation morale d’adopter un fils pour son mari défunt. Ce cas mis à part, la femme n’a pas le droit d’adopter. Elle perd ce droit si elle se remarie.

Pour être agréable aux ancêtres, le fils adoptif doit être une réplique parfaite du fils aurasa.
[aurasa : fils né d’une épouse légitime, vierge au moment du mariage, de même caste. Il est considéré comme l’enfant parfait, la réplique de son père. On croyait à cette époque que l’enfant était produit uniquement par la semence de l’homme et que la femme était tout simplement un réceptacle nourricier. En cas de mort d’un tel enfant son fils aurasa peut le remplacer ; de même son petit fils. Toutefois, l’enfant atteint d’infirmité, de maladie incurable, ou d’incapacité mentale n’est pas considéré comme un enfant à part entière : il ne peut recevoir le sacrement de l’intronisation spirituelle dans la famille ; il ne peut pas faire les offrandes aux défunts ; il n’hérite pas et n’a droit qu’aux aliments. Il est ainsi écarté de la grande famille des vivants et des morts.]

Il doit appartenir à la même caste et être de préférence un sapinda. [Sapindas : ceux qui ont les mêmes particules du corps et qui ont les mêmes liens d’offrandes. Tout hindou est sapinda de ses descendants mâles jusqu’au troisième degré, de ses ascendants mâles jusqu’au troisième degré, des descendants mâles de ces derniers jusqu’au troisième degré.]

L’adopté ne doit pas avoir été déjà intronisé dans la famille d’origine par la cérémonie de l’upanayana ou investiture du cordon sacré.
La femme étant dans l’incapacité d’offrir des oblations, l’adoption d’une fille n’est pas reconnue non plus.
Un fils unique est rarement donné en adoption, car cela priverait son père d’un continuateur de sa propre lignée.
Les enfants apparentés par l’intermédiaire d’une femme doivent être écartés.
L’adoptant et la mère de l’adopté ne doivent pas être dans un lien de parenté interdisant le mariage.

Pour que l’adoption soit valable, il faut que le fils soit donné de plein gré par son père. C’est cet acte de don qui a prêté son nom (dattaka) à cette forme d’adoption.
Il en résulte qu’un orphelin ne peut être adopté.
Un enfant adopté ne peut être donné en adoption.
La loi n’admet la présence que d’une seule personne dans chacun des trois rôles ; l’adoptant, l’enfant à adopter et le parent qui donne l’enfant.
L’adoption simultanée d’un même enfant par plusieurs personnes est expressément interdite.

Cute Little Krishna Eating Butter from His Pot

L'adoption s’accomplit par la tradition réelle de l’enfant avec l’intention de le transférer de la famille d’origine à la famille adoptive.
La cérémonie varie dans les détails d’une région à l’autre, d’une caste à l’autre.
Mais le scénario le plus généralement suivi se déroule ainsi : au jour et à l’heure fastes choisis avec soin, on rassemble parents et amis ; des brahmes versés dans les Védas allument le feu sacré.
Devant ce dernier, l’adoptant fait solennellement la demande de l’enfant à son père légitime.
Sur son consentement, il prend l’enfant et prononce ces mots : « Je te prends pour continuer la lignée de mes ancêtres. »
L’enfant est ensuite installé sur les genoux de la mère adoptive.
L’officiant procède alors à des oblations de riz et de beurre clarifié au feu sacré, ponctuées par des prières. Le tout s’accompagne de musique auspicieuse.
La cérémonie se termine par des cadeaux offerts à l’adopté par les parents et amis et les présents d’usage distribués par les parents adoptifs aux brahmes et à l’assemblée.

Les liens de parenté dans la famille adoptive s’établissent ainsi : quand un hindou marié adopte une personne, sa femme en devient la mère adoptive avec tous les droits et obligations qui en découlent.
Quand l’adoption est faite par l’hindou avec le consentement de plus d’une épouse, la plus ancienne épouse, pas nécessairement la plus âgée, devient la mère adoptive, et les autres épouses deviennent belles-mères.
Quand un veuf ou un célibataire qui a adopté un enfant vient à se marier par la suite, sa femme est considérée comme marâtre de l’adopté. De même, celui qui épouse une femme qui avait déjà un enfant adopté en devient le parâtre.

Bien que les liens avec la famille d’origine soient rompus par l’adoption et que l’adopté perde le nom de sa famille d’origine, les empêchements pour cause de parenté en matière de mariage continuent à subsister.
De même, tout bien déjà échu à l’adopté et provenant de la famille d’origine lui reste acquis, avec les obligations qui s’y attachent, telles que l’obligation alimentaire ou celle de payer les dettes de son père biologique mais seulement dans la limite des biens échus.

Dans la famille adoptive, l’adopté a le même statut et les mêmes droits que le fils aurasa.
Il participe à la communauté des biens de la famille indivise et hérite des collatéraux ainsi que des ascendants de l’adoptant.
Toutefois ses relations de sapinda ne s’étendent que jusqu’à trois degrés au lieu de sept pour l’aurasa. Il est exclu de la succession si le père adoptif avait été disqualifié alors que le fils aurasa vient en représentation d’un tel père.
Quand il est en concurrence avec un enfant aurasa, né après l’adoption, il n’a droit qu’à la moitié de la part de cet enfant.

[Source : Annoussamy D. Filiation en droit hindou ancien.
in  ROY O.(dir). Réflexions sur le pluralisme familial. Paris. Presses Universitaires de Paris Ouest : 2011.]



1 commentaire:

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...