The Body of Abel Found by Adam and Eve - William Blake ; Tate Gallery, Londres
Caïn (prononciation : [kaɛ̃]; le mot hébreu קין qayin peut signifier « forgeron » ou encore, à l'aide de la racine qnh « j'ai acquis » (cf. Gn 4,1).) est un personnage de la Bible et du Coran.
Fils aîné d'Adam et Ève, il est considéré dans la tradition judéo-chrétienne comme le premier meurtrier de l'histoire en tuant par jalousie son frère cadet, Abel.
Abel est le deuxième fils d'Adam et Ève d'après la Genèse, le premier livre de la Bible. Son histoire est également relatée dans le Coran.
Caïn est l'aîné, Abel est le deuxième et Seth le troisième fils d'Adam et Ève. C'est à partir de Seth que la généalogie de Jésus est construite. En effet, la Bible nomme tous les descendants de Seth jusqu'à Joseph, l'époux de Marie (mère de Jésus).
Dans la Bible
Caïn, l'aîné, cultive la terre et Abel (étymologie : de l'hébreu souffle, vapeur, existence précaire) garde le troupeau. Le premier offre à Dieu des fruits de la terre, le second des premiers-nés de son troupeau de moutons et leur graisse.
Dieu regarde avec faveur Abel et son offrande, mais non pas celle de Caïn.
Caïn en est irrité ; Dieu le lui reproche, et l'invite à changer d'attitude. Cependant Caïn tue son frère dans un accès de jalousie, en se jetant sur lui alors qu'ils se trouvent aux champs (Genèse 4:3-8).
D'après la Genèse (5:3), comme Seth est sans doute né peu après la mort d'Abel, alors qu'Adam avait cent trente ans, Abel pouvait avoir près de cent ans quand il mourut.
Dieu, lisant dans le cœur de l'homme, connaissait la mauvaise habitude de Caïn, laquelle devint clairement manifeste aussitôt que son offrande fut refusée. Caïn se mit aussitôt à pratiquer la querelle ou la jalousie, les accès de colère.
Maudit par Dieu et contraint au bannissement du sol, il clame que sa punition est trop lourde et qu'il risque d'être tué par le premier venu. Dieu, pour lui signifier la gravité de son acte l'a déclaré protégé (en le marquant du « signe de Caïn »), le laissant dans sa condition de fugitif jusqu'à sa mort.
Le signe en question était vraisemblablement le décret solennel de Dieu.
Caïn prit le chemin de l'exil et se fixa au pays de la fuite, à l'est d'Éden (dans la Terre de Nod ; C'est à ce lieu que ce réfère John Steinbeck dans A l'est d'Eden) ; il emmena avec lui sa femme, une fille non nommée d'Adam et Ève.
Après la naissance d'Hénoch, Caïn se mit à bâtir une ville, qu'il appela d'après le nom de son fils. Selon les critères actuels, cette ville n'a pu être qu'un village fortifié, et les Écritures n'en disent pas davantage quant à l'époque où elle fut achevée. Ses descendances sont citées en partie et se distinguent par une vie de nomades et d'éleveurs de troupeaux, mais aussi par le maniement d'instruments de musique, dans le martelage d'outils, et dans la pratique de la polygamie et de la violence. La lignée de Caïn prit fin lors du Déluge à l'époque de Noé.
Abel est une victime de haute valeur symbolique ; il est le type du juste persécuté, et une figure du Christ. Son sang est éloquent auprès de Dieu, mais celui de Jésus l'est plus encore (Hébreux 11:4 ; 12:24).
Seth est le troisième fils d'Ève que Dieu lui a accordé pour remplacer Abel tué par Caïn. Seth est né quand Adam avait 130 ans. C'est la descendance de Seth qui conduit à Sem, David et Joseph le « père » de Jésus.
Quant à Caïn, par son meurtre, il révèle la haine qui, dès la Genèse, habite le cœur de l'homme ; il est le type du mauvais, celui qui hait le juste.
Abel est le juste qui crut la promesse de Dieu qui s'accomplit par l'offrande de sang.
Dans le Coran
Le Coran raconte aussi l'histoire des fils d'Adam, sans les caractériser par leur profession comme dans la Bible qui présente Abel comme pasteur et Caïn comme cultivateur. En revanche la tradition musulmane leur donne des noms: Hābyl pour Abel et Qāïne pour Caïn.
Le Coran raconte qu'alors que chacun des deux frères avait fait une offrande, Dieu (Allah) n'accepta que celle d'Abel. Par jalousie, Caïn promit alors de tuer son frère qui lui répondit : « Allah n'accepte l'offrande que de la part des pieux. Si tu étends vers moi ta main pour me tuer, moi, je n'étendrai pas vers toi ma main pour te tuer : car je crains Allah, le Seigneur de l'Univers. »
Malgré ce discours, Caïn tue Abel. Selon le texte, un très profond sentiment de remords l'envahit alors, et il devint ainsi un perdant. Caïn reste consterné devant le cadavre de son frère, ne sachant que faire. Allah lui envoie alors un corbeau qui se met à gratter la terre pour lui montrer comment ensevelir le cadavre de son frère. Il se dit : « Malheur à moi ! Ai-je donc été incapable d’être comme ce corbeau et de cacher le spectacle indécent de mon frère ? »
« Il devint alors du nombre de ceux que ronge le remords. »
Les traditions bibliques et coraniques présentent donc Caïn comme le premier meurtrier. Le Coran ajoute qu'il est le premier à avoir enterré un cadavre.
Selon les traditions religieuses, Abel serait donc le premier assassiné, le premier tué et le premier mort de l'Histoire. Son cadavre serait le premier cadavre enseveli sous terre de l'Histoire.
Ce mythe en évoque d'autres présents sur tous les continents, ce qui laisse penser qu'il a une origine très ancienne, de même (dans le Coran) que l'invitation à enterrer les morts, souvent présentée comme un indice d'apparition de civilisation chez l'Homme préhistorique.
L'opposition entre deux frères (parfois jumeaux) est très répandue dans les mythes, contes et légendes.
Ethnologues et historiens notent que dans ces récits mythiques, l'un des deux frères tue souvent l'autre, devenant ainsi la souche d'une lignée postérieure ; citons par exemple les jumeaux de mythes sibériens et amérindiens, Osiris et Seth dans la mythologie égyptienne, les frères Shun et Yao de la mythologie chinoise, et enfin Rémus et Romulus dans le mythe de la fondation de Rome.
Ainsi Caïn pourrait représenter le mal et Abel le bien, dans une dualité qui évoque aussi une culpabilité liée à un mythique péché originel.
Parmi les autres interprétations symboliques, ont été évoquées d'autres hypothèses, sans confirmation ou infirmation historique possibles à ce jour :
- Le mythe de Caïn et Abel pourrait être ce qui reste de l'expression d'une relation conflictuelle ou de forte différentiation culturelle entre les hommes de Néandertal et de Cro-magnon (alors respectivement représentés par Abel et Caïn dans le mythe), les seconds, ayant fini par supplanter les premiers, ce que signifierait le symbole du meurtre dans le mythe, qui n'implique nullement de volonté ni réalité génocidaires (on n'a pas d'indices de relations meurtrière ni d'interactions entre ces deux types d'hominidés, et de nombreuses controverses persistent sur le nombre et l'importance des relations guerrières au sein des peuplades préhistoriques), et entre les deux types d'hominidés, lesquels semblent avoir localement cohabité après l'arrivée des hommes de Cro-Magnon, jusqu'à il y a 29 000 ans environ, époque de la disparition progressive et inexpliquée de l'homme de Néandertal.
- Ce mythe pourrait aussi être la trace relictuelle de conflits anciens entre des cultures de type Chasseur-cueilleur ou d'éleveurs nomades, face aux cultures nouvelles se développant chez les peuples se sédentarisant grâce à l'agriculture et à un élevage non nomade. Caïn est en effet présenté par la Bible comme étant agriculteur. Et il « tue » son frère présenté par la Bible comme un pasteur. Le mythe pourrait décrire symboliquement le fait que l'agriculteur interdise à son frère nomade l'accès aux terres (et eaux) les plus riches, désormais de plus en plus exclusivement réservés et dédiés à l'agriculture, à la pisciculture et à la coupe du bois puis à la sylviculture... au détriment de l'itinérance vitale aux nomades et possesseurs de troupeaux itinérants).
On pourrait alors parallèlement voir dans ce mythe l'opposition entre d’une part les cultures nouvelles de l'espace privatisé (marqué par les clôtures, les contrats de propriété et une gestion défensive de l’espace) et d’autre part les cultures de l'espace partagé (géré selon la coutume et d’autres modes de gestion des conflits). Plus largement encore ce mythe pourrait évoquer l'opposition entre « culture » et « nature » ou entre « exploitation rationalisée de l'environnement » et « reconnaissance de la naturalité » de l'Homme et de sa relation à la Nature.
- Il pourrait enfin aussi s'agir de la trace mythique d'un choc culturel encore plus ancien ayant opposé des peuples chasseurs-cueilleurs itinérants (représentés par Abel) et les premiers éleveurs nomades (la descendance de Caïn est présentée par la Bible comme nomade). On peut noter que dans le mythe, Dieu agrée Abel et son offrande, et plus tard, dans le Nouveau Testament, le pasteur et l'importance du sacrifice de l'agneau resteront des thèmes récurrents et importants, le Christ lui-même étant fréquemment présenté comme un pasteur (qui cette fois se sacrifie Lui-même) et son peuple comme un troupeau d'agneaux.
- Si l’on fait une lecture psychanalytique ou tout simplement littérale du texte, il apparaît que la cause du drame de Caïn est qu’il croit être fils de Dieu sur le dit de sa mère :
"Adam pénètre Hava sa femme. Enceinte elle enfante Caïn. Elle dit "J'ai eu un homme avec IHVH". (G 4, 1) Or ce n'est pas avec Dieu qu'elle a fait l'amour ; c'est avec son compagnon Adam ; les détails les plus crus sont indiqués afin qu’il n’y ait aucun doute sur le sujet. On sait depuis la psychanalyse et notamment Françoise Dolto ("Psychanalyse et pédiatrie" (le texte publié de sa thèse de médecine) éd. du Seuil (1971)"Le cas Dominique", éd. du Seuil (1971), l’importance du désir des parents, surtout des désirs inconscients qui s’attachent à l’enfant, déni de paternité ou projections substitutives, et de l’identité ou signification inconsciente qui leur est assignée.
Caïn illustre le difficile renoncement à un de nos fantasmes les plus chers : « se croire Dieu ». Ce qui, dans l’épisode précédent (Arbre de la Connaissance), constituait la promesse du serpent « et vous serez comme des dieux » se révèle vrai. L’erreur est d’y croire en oubliant le « comme » du serpent. Eve y a cru. L’épisode de Caïn montre ce que cela donne quand on y croit ; c’est pour cela qu’il suit « La Chute ». Dans la volonté d’accréditer un fantasme, y compris celui d’un autre, se nouent les liens du fanatisme comme identification et inscription dans la dépendance.
Caïn apparaît comme sa figure emblématique, au moment où il naît, en germe, à l’unité en quelque sorte. On peut considérer que le rédacteur biblique a noué ce drame sur le premier geste rituel, et en début de Bible, pour constituer une sorte d’ « avertissement au lecteur » en quête de foi ou de… sagesse ! D’autant que sur le plan du développement psychique chaque enfant passe par une phase dite de « reconstruction du roman familial » dans laquelle il fantasme que « mes parents ne seraient pas mes vrais parents et je serai en réalité le fils d’un roi et d’une reine ». [Voir le livre Caïn, l’énigme du premier criminel de Jacques Laffitte Vents du Perche Editions.]
- Par ailleurs, Caïn sera souvent représenté vêtu d'une peau de bête, comme Hercule/Héraclès, qui peuvent évoquer l'animal, le chasseur, ou un caractère « sauvage », voire la violence potentiellement explicative de ce mythe du premier meurtre, par le premier fils d'Adam et Ève.Le mythe pourrait alors - de ce point de vue - être à la fois l'expression d'une culpabilité refoulée (Cf. la colère de Dieu, l'Œil de Dieu, etc.), et de deux tendances intérieures - individuelles et collectives - qui chez l'homme s'opposent encore ; le civilisé sédentaire, et l'itinérant (doublement refoulé selon cette interprétation du mythe).
De nombreuses histoires et mythes sur les fratries représentent des frères « ennemis » ou « opposés » pouvant être comparés à Caïn et Abel :
- Hénoch
- Osiris et Seth dans la mythologie égyptienne
- Shun et Yao dans la mythologie chinoise
- Jacob et Esaü dans la Bible
- Rémus et Romulus dans le mythe de la fondation de Rome
- Étéocle et Polynice dans la mythologie grecque
- L'Archange Michel et L'archange Lucifer dans la mythologie hébraïque
- Richard Cœur de Lion et Jean sans Terre, etc.
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