mardi 22 mars 2011

AFA - Le cas de Woody Allen...et Blanche-Neige...

Soon-Yi Previn (fille adoptive de Mia Farrow) et Woody Allen


Pour parler du cas de Woody Allen, j’ai repris le texte de Nazir Hamad, dans son livre « Adoption et Parenté : Questions actuelles », paru en 2007 aux éditions Erès (pp.24-26).

Nazir Hamad est docteur ès lettres en psychologie clinique, psychanalyste pratiquant à Paris, et directeur d’un CMPP dans l’Essonne. Il a travaillé avec Françoise Dolto, avec laquelle il a publié un livre d’entretien (Destins d’enfants, Gallimard, 1995).
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LE CAS DE WOODY ALLEN 

[A propos de ce qui fait une famille]… Qu’est-ce qui arrive en premier lieu ? Est-ce la loi de l’interdit de l’inceste qui fonde la famille ou est-ce la famille qui instaure cet interdit ?

L’histoire de Woody Allen est éloquente et peut nous servir d’exemple. L’acteur s’est marié avec sa fille adoptive [Soon-Yi Previn, fille adoptive de Mia Farrow].

Les opinions sur cette affaire ont été nombreuses et contradictoires. D’aucuns l’ont jugé sévèrement : « un père incestueux ».  D’autres lui ont trouvé des excuses en postulant que la fille avait été adoptée par sa conjointe et que cela ne faisait pas forcément de lui un père adoptif.

Il ne s’agit pas pour nous ici de juger le cas de l’acteur, plutôt d’affirmer que l’adoption, qui nous institue père ou mère d’un enfant, est d’abord une question de désir qui marque un couple d'adultes de son sceau et qui fait qu'on est parent, peu importe que la paternité soit adoptive ou biologique. Autrement dit, si on n'est pas incestueux, cela ne relève pas d'un comportement intentionnel. Respecter l'interdit ne demande pas un effort quotidien destiné à observer la loi, comme on stoppe devant un feu rouge par exemple. L'interdit régit, à notre insu, les rapports entre les générations et de ce fait il est le noyau de base de la structure familiale.
Or, l'arrivée de cette fille dans le couple de Woody n'a pas généré ce qui devait l'inscrire dans une relation basée sur l'interdit de l'inceste. Pour Woody, Blanche-Neige a détrôné une mère qui a oublié de se méfier de sa fille. Blanche-Neige allait se révéler être une rivale redoutable.

BLANCHE-NEIGE

Tout laisse supposer que Woody n'a pas désiré adopter cette fille dans une démarche à deux où chacun se reconnaît dans le désir de l'autre partenaire. L'adoption doit se faire à deux, bien avant l'arrivée de l'enfant. Il s'agit d'une prise dans l'inconscient où avoir un enfant en commun vient à la place de faire un enfant ensemble. Faire et avoir auront ainsi le même impact sur la disposition de chacun à accueillir et à reconnaître l'enfant comme l'enfant du désir. L'acteur a aimé cette fille, certes, mais l'interdit n'a pas joué son rôle pour ôter à cet amour son caractère sexuel. L'interdit est inhérent au désir d'enfant. Il précède donc l'arrivée de l'enfant et œuvre à son inscription dans le lien familial.

Nous avons souvent été pris à témoin par des parents éprouvant de la jalousie à l'égard de leurs enfants adoptifs quand ceux-ci atteignaient l'âge de la maturité sexuelle. Des mères, comme dans le conte de Blanche-Neige, se sont senties détrônées par leur fille devenant nubile, délaissées par leur partenaire devenu tout à coup plus proche de la jeune nymphette. J'ai même entendu quelques-uns me dire : "Ce serait déloyal de la part de notre fille, d'autant plus qu'elle a l'avantage de la jeunesse."

Je ne pense pas que ces femmes parlaient de l'inceste proprement dit. Mais, telle la reine, ces femmes savaient qu'elles n'étaient plus "les plus belles" et que la jeune génération, leur fille en l'occurrence, attire le regard des hommes - ce même regard d'admiration ou de désir qui leur avait été réservé jusqu'alors. Il s'agit d'une blessure narcissique que tout père et toute mère connaissent à un moment ou un autre de leur vie. Mais si on n'éprouve pas une jalousie destructrice comme celle de la marâtre dans le conte, c'est parce que nous nous identifions à nos enfants et nous nous sentons fiers de les voir beaux et intelligents. C'est justement le sens que nous attribuons au compliment presque ridicule que nous faisons aux nouveaux parents quand on leur dit que l'enfant est "beau ou belle comme sa mère et intelligent(e) comme son père".

                                                                                                                                      Nazir Hamad
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