vendredi 25 mars 2011

Inde - Les devadâsî, "servantes de la divinité"...


Les devadâsî étaient traditionnellement des oblates d'un dieu, rituellement mariées à eux à la puberté. 
Les jeunes filles étaient en apprentissage ou données à un temple par leurs parents, dans le but de satisfaire les dieux. 
Traditionnellement, elles étaient d'un haut rang social, jouissaient d'une grande liberté, et étaient formées pour être des danseuses du temple, servantes dans les cérémonies du temple, et même initiatrices sexuelles des jeunes hommes. 
Mais au fil des siècles, leur fonction et leur statut ont diminué à tel point que la plupart sont aujourd'hui issues des basses castes, esclaves sexuelles de prêtres, qui, souvent, en sont les proxénètes. Toute les filles nées d'une devadasi sont aussi destinées à devenir devadasi. Il y a encore des milliers de filles et de femmes devadasi en Inde.

[Voir aussi : Le système de castes en Inde et à Bali....]

Les devadâsî - littéralement servante de la divinité - étaient des jeunes filles consacrées au temple dès leur plus jeune âge, elles étaient considérées comme des épouses de la divinité. À l'origine destinées au service de la divinité, elles étaient retirées de leur famille et recevaient une éducation soignée au cours d'une initiation - appelée bottukatal - qui pouvait durer très longtemps et au cours de laquelle elles apprenaient, en particulier, à maîtriser la danse - ce sont ces pratiques de danse qui ont servi de modèle au bharata natyam, la danse classique du sud de l'Inde - en suivant les enseignements d'un Natuvanar ou maître de danse, ainsi que le kannada, le tamoul, et le sanskrit, la langue des textes sacrés. 
Certains temples importants, celui de Brihadesvara à Tanjavûr, accueillaient plusieurs centaines de devadâsî qui participaient à leur réputation par la qualité de leur art.

Elles n'étaient autorisées à danser devant la divinité qu'après avoir passé la cérémonie de l'Arangetral à la suite de laquelle elles étaient autorisées à porter un collier d'or et recevaient le titre de Talaikole.
Elles étaient classées, traditionnellement, en sept catégories :
  • Dattâ : celles qui avaient choisi de se donner au temple,
  • Vikritâ : celles qui s'étaient vendues au temple,
  • Bhrityâ : celles qui se consacraient au temple à la suite d'un vœu,
  • Bhâktâ : celles qui dansaient par dévotion pure (bhakti) à la divinité,
  • Hritâ : celles qui, orphelines, étaient confiées au temple,
  • Alankarâ : celles qui étaient des courtisanes offertes, avec dot, au temple par un râja,
  • Gopikâ : celles qui étaient danseuses par tradition familiale,
Les devadâsî jouissaient d'une position avantageuse, elles recevaient une rétribution au cours de leur formation, puis bénéficiaient de certains privilèges, et avaient des rapport sexuels contre des offrandes en argent. Cependant, au cours du temps, leur statut connut une évolution qui les transformèrent en prostituées sans considération sociale ; leur statut de courtisanes sacrées leur fut violemment dénié avec l'abolition du système des devadâsî par l'Empire colonial britannique en 1925, au mépris de la culture hindoue. Cependant, on estime que 250 000 jeunes filles ont été consacrées aux temples de Yellamma, Hanuman et Khandoba - un aspect de Shiva - dans le Karnataka et le sud du Maharashtra entre l'indépendance de l'Inde et 1982.
Le premier sens du mot bayadère, provenant du portugais bailadeira, est synonyme de devadâsî.


Les dêvadâçî ne furent jamais de simples « professionnelles » se donnant à quiconque les paie, mais des femmes attachées à un temple et au service de la divinité (Iyer 1927), et, de l'autre, des courtisanes-danseuses (Chandra 1945) initiées aux différents arts, dont l'érotique. Pourtant le puritanisme britannique colonial, que relaya la « honte de soi » du colonisé (Srinivasan 1983), ravalèrent ces femmes au rang de prostituées. Il reste que nombre de récits historiques, tant indigènes qu'étrangers, attestent qu'autrefois elles s'adonnaient néanmoins déjà au commerce charnel. Cette coutume de la « servante de dieu » se développa surtout dans le sud de l'Inde, et, semble-t-il, à grande échelle : on affirmait qu'il devait y avoir autant de dêvadâçî que le temple comportait de piliers ; ainsi, les inscriptions du temple du roi Chola Râjarâja (1004 ap. J.-C.) font-elles état de quatre cent danseuses.

De la multiplicité des classifications disponibles répertoriées par Kersenboom, tant dans les textes âgamiques, qui définissent différentes catégories de danseuses issues des diverses formes de la déesse ou shakti, que dans les sources littéraires et historiques qui fournissent toute une série de termes, il ressort que ces femmes se consacraient d'abord au service de la divinité. Presque exclusivement recrutées parmi les femmes de haute caste (brâhmane), les dêvadâçî pouvaient éventuellement servir de concubines aux Brâhmanes.

En apparence incongrue, l'existence d'un service proprement féminin dans la gamme d'offices majoritairement masculins se justifie pour des raisons religieuses. On sait, en effet, que les dieux dans les sanctuaires expriment la souveraineté et que, réciproquement, la royauté est magnifiée dans la divinité, l'effigie de celle-ci étant traitée à la manière d'un roi, tandis que ce dernier l'est analogiquement à un dieu. Or, l'entretien quotidien d'une divinité appelle des femmes qui accomplissent sur Terre ce que faisaient au paradis (svarga) les Apsara pour servir et divertir les dieux. Et la liste est longue de ces « venues des eaux » : Rambhâ, Ourvashî, Mênakâ, Tilottâma, Adrikâ, etc., qui rehaussent de leur beauté le somptueux séjour divin, de ces nymphes pleines de grâce et de charme, merveilleusement belles, appelées Sourâganâ (« épouses des dieux ») ou Soumadâtmaja (« filles de joie ») qui sont les modèles célestes des servantes de temple et des courtisanes.

Dans son ouvrage en langue kannada sur l'aspect culturel des inscriptions indiennes, Chidanandamurthy indique que l'effigie du temple requérait deux sortes de plaisirs à satisfaire. Les « jouissances des membres (du corps) » (angabhoga) assurées par des bains, l'onction de pâtes et des parfums, l'offrande de fleurs et l'ondulations de la flamme, et les « jouissances de la scène (des spectacles) » (rangabhoga) auxquelles pourvoyaient les chants, les danses ou les drames joués. Or c'est justement la satisfaction de ces désirs faits chairs que les dêvadâçî personnifient.

Les dêvadâçî appartiennent donc à la catégorie beaucoup plus large, et diversifiée, des serviteurs de temple dont leur groupe ne constitue qu'un corps de spécialistes parmi d'autres. Leur fonction renvoie à une division du travail inscrite dans la hiérarchie sociale, même si l'intervention de femmes dans une série de services monopolisés par les hommes rend leur situation passablement ambiguë. A double titre. D'une part, leur fonction religieuse réintroduit à l'intérieur même de l'espace étalonné de pureté du temple la nécessité du kâma dans la hiérarchie des valeurs ; d'autre part, la spécialisation rituelle qui les définit n'implique nullement qu'elle se recrutent dans une jâti particulière : elles n'ont jamais constitué en réalité un groupe au sens strict ; d'où la difficulté à les rattacher à une quelconque jâti, sinon, au plan des valeurs, au varna des shoûdra - comme toute femme non mariée d'ailleurs - « destiné » d'abord à servir, contre rétribution matérielle, les varna supérieurs et à garantir la prospérité des vaïshya, kshatriya et brâhmane.

[Sources : http://famous.adoption.com/famous/devadasi.html ; http://fr.wikipedia.org/wiki/Devadâsî]

1 commentaire:

  1. Merci pour ces infos culturelles, j en connaissais une partie, mais pas la totalité des infos.

    C est vrai que la danse classique indienne, comme le bharatanatyam, s inspire de ces danseuses, et dans les dires de notre prof de danse, certaines histoires racontés en danse, sont effectivement de sensualité et de dévotion.

    Ce que j'aimais, et ce billet me le rappel s est cette connexion entre le corps les mouvements en danse, qui font du bien.

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