mercredi 7 mai 2014

Adoption en Egypte antique (2) - "Extraordinaire(s)" adoption(s)...

En 1941, Alan Gardiner a publié un essai appelé « Adoption Extraordinary » dans The Journal of Egyptian Archaeology.
Écrivant en "ces jours catastrophiques", au milieu de la Seconde Guerre mondiale, Gardiner s'adresse lui-même à " [ses] lecteurs, s'il y en avait encore en mesure de prêter leur attention à l'égyptologie et l'étude du Droit Ancien."  Les conditions en temps de guerre, ajoute-t-il, font qu'il est impossible pour lui de fournir un commentaire complet sur ​​le document qu'il a trouvé, un document à son avis d'une importance exceptionnelle. Même si "la langue est barbare et la composition exécrable," néanmoins " les faits révélés sont étonnants." Nous n'avons, écrit-il , " pas la moindre idée qu'en Egypte la fiction juridique de l'adoption pouvait prendre une telle importance ou être poursuivie en de telles périodes."

The Dwarf Seneb and his Family portrays the Ancient Egyptian official as a full and distinctive person. Egyptian Museum in Cairo.

Après nous avoir assuré que le papyrus lui-même est "enterré pour des raisons de sécurité à quarante pieds sous terre," Gardiner résume l'histoire tout à fait remarquable d'un testament dicté par un maître impérial nommé Nebnéfer. L'épisode date du Moyen Empire (2030-1640 avant notre ère). Nebnéfer craignait que, après sa mort, ses frères et sœurs pussent réclamer une partie de ses biens à sa femme sans enfants, Rennufer. Pour éviter cela, il "avait recours à la solution extraordinaire de l'adoption de sa femme comme sa propre fille."

Il y a plus. Des années plus tard, Rennefur maintenant veuve a fait un testament , dans lequel elle adopte deux filles nées d'un esclave du foyer familial ; elle lègue sa propriété à ces enfants.

Il y a plus encore. Rennefur a trouvé un tuteur pour les deux filles, représenté par son propre frère cadet, Padiu. Pour formaliser cet arrangement, Rennefur a adopté Padiu, qui à son tour a épousé une des jeunes filles. Ainsi Padiu est devenu à la fois fils et gendre de Rennefur. En outre, depuis que Nebnéfer avait adopté Rennefur, le jeune beau-frère était maintenant devenu à la fois fils et petit-fils de Rennefur par adoption.
C'est suffisant, écrit Gardiner , pour "faire s'embobiner le cerveau" (to make the brain reel).

L'histoire de Rennefur présente les rebondissements d'un vaudeville français ;
mais la plupart des adoptions dans l'Egypte ancienne étaient moins sensationnelles dans leurs détails.
Selon le Lexikon der Ägyptologie, l'adoption peut être retracée au moins aussi loin que la XIXe dynastie (environ 1292-1189 avant JC). Sur la base de ce qui est connu de la pratique, l'adoption servait principalement à fournir des héritiers pour des hommes qui n'avaient pas d'enfants survivants de sexe masculin.
Dans un cas, le scribe Ramose et sa femme Moutemouia semblent avoir commandé un monument aux dieux de la fertilité et de l'accouchement, mais leurs prières n'étaient pas entendues avec la venue un fils . Ramose a alors adopté Kenherkhepeshef, qui  succéda à Ramose dans ses fonctions.

Comme le suggère l'histoire de Rennefur, dans les années du Moyen-Empire, l'adoption était une stratégie juridique possible aussi bien pour les femmes que pour les hommes.

Plus tard, au cours de la période gréco-romaine, le «droit de la femme à statut égal», y compris son droit d'adopter, a été progressivement dépouillé.

Comme ce sera également le cas à Rome, l'adoption égyptienne a parfois été déployée pour créer ou entretenir des alliances politiquement utiles.
Un exemple particulièrement intéressant vient de la Troisième Période Intermédiaire (env. 1070-640 avant notre ère), une période turbulente durant laquelle les régions du nord et  du sud du pays ont été divisées, avec la famille royale contrôlant le nord tandis que le sud était effectivement gouverné par les grands prêtres d'Amon. Pour renforcer leur position, les rois ont inventé le poste d'épouse du Dieu Amon, un titre décerné par adoption d'une succession de  femmes non mariées - figures de proue vierges dont le célibat protégeait la monarchie de la mise en place d'une nouvelle dynastie.

[Source : CONN Peter - Adoption A Brief Social and Cultural History. New York : Palgrave Macmillan. 2013]


VOIR AUSSI :
>>> ADOPTION DANS L'EGYPTE ANTIQUE (1) et notions sur la famille egyptienne antique...

>>> Egypte - Adoption des épouses du Dieu Amon et dynasties sacerdotales...






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