Depuis la fin de la guerre de Corée (en 1953), l'adoption internationale a été étroitement liée avec la Corée du Sud, le pays qui a envoyé le plus grand nombre d'enfants adoptables au monde résultant en une population de 150 000 Coréens adoptés dans plus de 20 pays occidentaux.
Cette manière de résoudre le chaos d'après- guerre, la pauvreté massive et l'industrialisation rapide, ont donné à la Corée du Sud la désignation mondiale de koasuch'ulguk ou « pays exportateur d’orphelins ».
Depuis le début et surtout pendant les années 1970 lorsque la lutte pour la légitimité était impitoyablement engagée entre les deux pays, la Corée du Nord a accusé son voisin du sud de liquider les enfants coréens au monde occidental comme un exemple scandaleux de « flunkeyisme » [NDLR : flunkyism en anglais ; pas d'équivalent français... Je propose comme traduction impropre : mise en servitude, en domesticité ; le terme médiéval de "laquais" pourrait éventuellement évoquer cette notion].
Après la guerre, la Corée du Nord a aussi été forcée de faire face au problème d’enfants devenus orphelins, mais le pays a choisi officiellement une voie différente de la Corée du Sud. À la place, les enfants orphelins étaient désignés comme les enfants des héros nationaux, et l'adoption domestique (nationale) était encouragée, alors que des orphelinats modèles étaient construits et exposés dans la propagande et des systèmes de subvention permettaient de recevoir l'enseignement supérieur.
Cependant, aujourd'hui, avec l'effondrement de l'économie nord-coréenne, des dizaines de milliers d'enfants sont devenus orphelins et sont enfermés dans des institutions pauvres très loin du système de protection de l'enfance digne de ce nom.
Et récemment, l'information s’est échappé du pays fermé que des enfants nord-coréens ont aussi été adoptés par des étrangers du monde communiste pendant la guerre.
L’histoire officielle de l’adoption en Corée du Nord
La Corée du Nord ou République populaire démocratique de Corée, fut fondée avec le soutien des Russes en septembre 1948 par opposition à la République de Corée ou Corée du Sud soutenue par les Américains.
La principale faction qui devait prendre la direction du nouvel État communiste, était composée des anciens guérilleros de Mandchourie autour de leur légendaire chef, Kim Il Sung. Deux ans plus tard, le Nord essaya de surmonter la division de la péninsule en amorçant une guerre à grande échelle qui approfondit encore plus l'hostilité entre les deux pays rivaux.
Selon des sources fiables nord-coréennes provenant des archives russes, la population du pays passa de
9 368 592 en 1948 à 7 425 939 en 1953. De toute évidence, l'émigration massive vers la Corée du Sud et les quelque un million de morts civils et militaires dans la guerre de Corée, avaient fait saigner à blanc la Corée du Nord. Les pertes horribles entraînèrent tout naturellement des milliers d'enfants orphelins comme ce fut le cas pour son voisin du sud. En 1954, le gouvernement sud-coréen commença son programme d'adoption internationale qui deviendrait le plus "réussi" au monde en termes de nombres, et une cause d’outrage pour la Corée du Nord.
Officiellement, la Corée du Nord choisit une autre manière en élevant les enfants des soldats décédés comme des « enfants des révolutionnaires » en créant des écoles et des orphelinats spéciaux pour permettre aux orphelins de recevoir une éducation et d’avancer dans la société.
Une histoire raconte comment Kim Il Sung acceptait les orphelins des soldats décédés comme ses propres enfants : « Vous n'êtes plus orphelins. Général Kim Il Sung prend soin de vous, il est votre père. »
Cette façon de s’occuper des orphelins et de les endoctriner à devenir des citoyens loyaux ou des « combattants de la révolution » a de nombreux parallèles dans l'histoire d’abus d’enfants, l’élite de janissaires dans l'armée de l'empire ottoman en est un exemple.
Comme beaucoup de ses homologues en politique, Kim Il Sung aimait aussi se présenter comme un ami des enfants, un comportement typique de dictateur que son fils et successeur Kim Jong Il a hérité puisqu’il a même écrit plusieurs histoires pour enfants.
À la suite de cela, la protection de l’enfance en Corée du Nord s’est traduite par une loi sur l'adoption domestique de style moderne, révisée plus tard dans les années 1990, et un encouragement ouvert de sa pratique en plus d’une loi générale sur les soins et l'éducation des enfants acceptée en 1976. Cela signifie que l'État a l'entière responsabilité de fournir un foyer aux orphelins dans toutes les provinces du pays où les enfants sont nourris, vêtus et instruits.
Le magazine de propagande de langue anglaise Korea Today contient de nombreuses histoires de succès d’adoptions, par exemple celle de Ko Chang Jun qui a adopté trois enfants: « Notre société est comme une famille dans laquelle les gens s’entraident et guident les uns les autres. Je crois profondément à la moralité sociale, alors j'ai décidé de le faire... »
Les parents adoptifs en Corée du Nord sont considérés comme des « héros de la société », et donc l'adoption domestique devient une façon d'exprimer la pensée traditionnelle confucéenne de la lignée à un niveau collectif communiste de la « grande famille ».
L'adoption domestique semble en effet très courante en Corée du Nord puisque même le "cher leader" Kim Jong Il a lui-même adopté une fille, Lee Nam-ok, qui est passé en Corée du Sud en 1992 et a commencé à parler de son expérience d’adoption inhabituelle en 1998.
[Source : Corée du Nord et adoption ; Tobias Hübinette (Korean Quarterly, hiver 2002/2003)
< http://www.tobiashubinette.se/core_du_nord_et_adoption.pdf >]
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