mardi 23 août 2011

Harry et Bertha Holt (1) - Une conception humanitaire et religieuse de l'adoption...

"All children are beautiful when they're loved." Bertha Holt

En 1955, une loi spéciale du Congrès américain autorise Harry et Bertha Holt, un couple de paysans évangéliques de l’Oregon, à adopter 8 orphelins coréens de la Guerre de Corée, une première aux Etats-Unis. Les Holt, qui avaient déjà six enfants biologiques avant d’adopter, devinrent pionniers en matière d’adoptions internationales et en arrangèrent des centaines pour d’autres couples américains.

Ils s’appuyèrent sur les pratiques pré-existantes d’adoptions par procuration (proxy adoptions).
Ils tenaient compte de l’âge, du sexe, donnaient la priorité aux couples  avec zéro ou un enfant, et demandaient seulement que les candidats retenus pussent payer le coût du billet d’avion pour la Corée. Ils étaient heureux d’accepter des couples qui avaient été refusés, pour diverses raisons, par les agences d’adoption conventionnelles.

Les Holt croyaient qu’ils participaient à l’œuvre de Dieu (God's work), mais ils furent enclins à la controverse sur la manière dont les familles adoptives étaient constituées. Dans la presse, les Holt étaient présentés comme des figures héroïques et désintéressées. Au Congrès, le sénateur de l’Oregon Richard Neuberger les désigna comme des incarnations du « Bon Samaritain biblique ». Dans les communautés chrétiennes du pays, leur travail était présenté comme un modèle à suivre.

Mais de nombreux professionnels et hommes politiques du U.S. Children’s Bureau, du ChildWelfare League of America, et de la branche américaine du international Social Service s’ingénièrent (sans succès) à mettre les Holt en faillite. Ils considéraient les Holt comme de dangereux amateurs, à l’appui d’un mauvais usage de commisération et de charité. Ces placements menaçaient le système de protection sociale de l’enfant en le substituant par un zèle religieux et des méthodes hasardeuses par rapport à la prise en charge par des professionnels compétents.

Pour les Holt, la constitution de familles nécessitait foi et altruisme, pas d’assistance sociale ou de contrôle, et ils ne trouvaient rien de mauvais dans l’idée que des Américains adoptent des enfants étrangers, sans les suivre de près.

L’enfance américaine, assumaient-ils, était incontestablement supérieure aux enfances dans les pays en développement. Pour les Holt et beaucoup de leurs partisans, la Corée était un pays arriéré dont les enfants méritaient d'être sauvés.

La lettre informative des Holt pour les futurs parents adoptifs incluait la requête suivante :
We would ask all of you who are Christians to pray to God that He will give us the wisdom and the strength and the power to deliver his little children from the cold and misery and darkness of Korea into the warmth and love of your homes.” 
[Traduction : "Nous demandons à tous ceux qui sont chrétiens de prier pour que Dieu nous donne la sagesse, la force et le pouvoir de délivrer ses petits enfants contre le froid et la misère et l'obscurité de la Corée dans la chaleur et l'amour de vos maisons."]

Pour les Holt, l'adoption était un acte de foi ; l'amour était suffisant pour construire les familles dont les enfants avaient besoin.

Au début des années 60, les Holt ont pris véritablement en compte le concept d'intérêt supérieur de l’enfant. Leur procédure a commencé à suivre les procédures standards conventionnelles, et a progressivement évolué vers un fonctionnement d'agence d'adoption typique.

En un peu plus d'une décennie, les Holt sont devenus une structure centrale de l'histoire moderne de l'adoption : un mouvement de l'aide humanitaire vers le professionnalisme, et de la religion vers la science.

L'agence Holt continue de faire des adoptions internationales aujourd'hui. Son siège est situé à Eugene, dans l’Oregon.

2 commentaires:

  1. Intéressant point de vue ! Pour en revenir à l'histoire de cette famille, on peut aussi réfléchir à la famille Baker et à bcp d'autres adoptions internationales humanitaires de l'époque. D'ailleurs je me pose cette question : les adoptions internationales de cette époque étaient elles autre chose que de l'humanitaire vu que toutes ces familles pouvaient aussi très bien adopter en domestique ?

    Moi je retiens de Holt l'agence d'adoption actuelle. Une des plus grosses "boîtes" américaines d'adoption, et sans doute une des plus grosses au monde. Qui a de la bouteille, et des méthodologies bien rodées. Et qui a su professionaliser certains orpheux indiens avec qui ils bossent. Ils ont les moyens eux, et même si leur travail "ligne de production" est bien loin de l'artisanat français, j'ai du respect pour le travail de cette agence et leur professionalisme, même si leur coté grosse berta peut paraître effrayant.

    Moushette (qui n'arrive pas à poster en mode connectée)

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  2. C'est vraiment très gentil de ta part de venir commenter sur ce blog,chère Moushette !
    L'agence Holt semble avoir effectivement de l'expérience et des méthodologies rodées, revues et corrigées éventuellement, et ayant servies de "modèles" à d'autres agences d'adoptions internationales.
    Il y a fort à parier que les adoptions internationales faites par les Holt à l'époque (qui privilégiaient les couples avec zéro ou un enfant) n'étaient pas toutes humanitaires mais permettaient à des couples avec troubles de fécondité d'adopter "plus aisément" par l'international qu'en domestique.

    J'ai titré "conception humanitaire" dans le sens de la conception originelle de l'adoption internationale des très pieux Holt de sauver les pauvres petits coréens sans parent de la misère et de la mort ; mais le temps a prouvé que Holt n'est pas resté à cet aspect purement humanitaire des adoptions.

    Quant à leur côté grosse Bertha (perso, la grosse Bertha me fait plutôt penser à une fête de la bière ou de la choucroute, ou un truc du genre...;-))[NB : grosse Bertha est la traduction française de Dicke Bertha, surnom d'une très grosse pièce d'artillerie de siège utilisée par l'armée allemande lors de la Première Guerre mondiale(wikipedia)], à supposer leur évangélisme inspiré et charismatique prêt à sauver le monde entier de la misère,s'il ne fait pas preuve de prosélytisme aveugle et forcené et s'il ne pense pas que l'amour seul suffit pour adopter un enfant (adopter larga manu des pauvres enfants par acte de foi...), je n'y vois pas forcément que du mal : en reprenant les idées d'un ami curé blogger,les plus grandes ONG au monde sont chrétiennes à la base, et n'interviennent pas uniquement pour des chrétiens ou pour convertir le monde... Tant que la quantité ne prend pas le pas sur la qualité, et que le prosélytisme est mis de côté...

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